Zaid Tayeb

En parcourant des yeux la liste nominative des fonctionnaires spectres de l’éducation nationale, rendue publique sur le site du ministère et reprise par d’autres, j’ai été frustré de ne relever aucun nom de ma connaissance bien que j’en côtoie quotidiennement un bon nombre d’entre les spectres. A moins que les spectres désignent de manière littérale, pour monsieur le ministre, les fantômes et les elfes, les lutins et les génies. Ces êtres de fumée, de lumière et de brouillard qui nous hantent pendant notre sommeil et notre veille et qui n’existent que dans l’imaginaire collectif des sociétés primitives et qui ont fait leur chemin à travers les croyances pour se retrouver sur les listes de monsieur le ministre de l’éducation nationale et dont il a publié les noms pour les rendre plus concrets et plus réels en leur prêtant des allures de fonctionnaires identifiables à leur SOM  comme on identifie les êtres humains à l’ADN. Le fait de désigner des êtres d’os et de chair et de sang de spectres n’est pas du tout surprenant dans une société où on en qualifiait d’autres de crocodiles et de démons sans les désigner nommément comme l’a fait monsieur le ministre de l’éducation nationale. Pourtant, si les démons sont des êtres de feu, les crocodiles, êtres de chair et d’os et de sang, sont facilement identifiables : il aurait été plus aisé pour monsieur le premier ministre d’en rendre publique leur identité en publiant leurs noms sur des listes. Ce qu’il n’a pas fait, malheureusement. A l’avenir, les citoyens ne seront nullement surpris  qu’un autre ministre d’un autre ministère, encore  plus hardi et plus entreprenant que le premier ministre et son ministre de l’éducation nationale, rende publique la liste de ‘’3ammi lghoul et 3amti lghoula’’ (tonton Ogre et tante Ogresse), Bou3ou et 3awawa  ( l’équivalent du taouatou et du marchand de sable dans d’autres cultures) et autres monstres qui vivent des caisses de l’Etat sans lui rendre le moindre service.

En attendant l’actualisation des listes des spectres à l’instar de celles des logements administratifs, le citoyen éveillé ne peut que relever que les listes actuelles des fonctionnaires spectres de l’éducation nationale telles qu’elles ont été rendues publiques ont sûrement été établies par des fonctionnaires aux intentions intéressées qui doivent avoir une main malveillante et corrompue dans l’établissement de ces soi-disant listes: il n’est pas raisonnable que des fonctionnaires actifs soient signalés comme étant des spectres alors que les vrais spectres continuent à être maintenus dans l’anonymat. En effet, dans presque chaque établissement scolaire, dans chaque délégation, dans chaque académie, il y a des fonctionnaires spectres à figures humaines. Ces fonctionnaires semblent être en règle avec le ministère puisqu’ils ont un tableau de service en bonne et due forme, homologué par le chef d’établissement et validé par l’inspecteur ou un faux poste, avec un faux fauteuil, un faux bureau et  une fausse activité. On voit les premiers le temps d’une récréation se faire remarquer et signaliser leur présence puis disparaître pour n’apparaitre que deux semaines plus tard et ainsi de suite. Les seconds déambulent de bureau en bureau, de couloir en couloir, de service en service, imbus de leur personne, l’air fier de ne rendre de compte à personne et d’aller consulter leur compte à la fin du mois. Ces fonctionnaires spectres sont couverts par leurs supérieurs hiérarchiques immédiats avec la complicité et sous l’impulsion des syndicats corrompus. Beaucoup d’entre eux ont été mutés grâce à un dossier social ou un dossier médical montés de toutes pièces et homologués par les syndicats ayant présidé à leur mutation au détriment des nobles fonctionnaires qui ne consentent jamais à troquer leur honneur contre des agissements bas, abjects, orduriers. Partout où j’ai travaillé, il s’en est toujours trouvé un de ces spectres qui non seulement ne travaillent pas mais qui bénéficient de la promotion interne, tout comme les actifs et parfois bien mieux. Le plus endeuillant dans tout ceci est que leurs noms ne figurent pas sur les listes de monsieur le ministre.

Un recensement complet et minutieux, administration par administration, à établir par des commissions compétentes et peut être même assermentées est nécessaire pour épingler les spectres restants, et ils ne sont que trop nombreux.