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L’industrie pharmaceutique s’investit massivement dans les maladies rares

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Les personnes atteintes de maladies rares ont été longtemps les délaissés des systèmes de santé, faute de traitements adaptés. Leurs pathologies captent maintenant toute l’attention de l’industrie pharmaceutique, devenant même  un enjeu vital de leurs recherches et de leur croissance alors que les payeurs, gouvernements comme patients, s’interrogent sur le prix et la prise en charge de ces thérapeutiques.

SOMMAIRE :

I/ Une mobilisation générale en faveur des maladies rares

II/ Un enjeu vital de recherche et de développement pour l’industrie pharmaceutique

III/ Un frein et un problème de santé publique : des prix élevés

IV/ Deux exemples de révolutions thérapeutiques

Bibliographie et sites utiles

Articles de l’auteur sur les maladies auto-immunes

 L’orphelin est par définition celui qui n’a ni père ni mère, laissé seul à lui-même. Le concept de « maladies orpheline » s’est développé il y a quarante ans pour désigner des pathologies sans lien véritable entre elles, sinon qu’elles touchaient très peu de personnes et que la communauté médicale ou la recherche scientifique avait peu de réponses efficaces à proposer. Les patients, qui essayaient d’obtenir un bon diagnostic et des soins adaptés, faisaient alors face alors à une grande incertitude  et souffraient souvent de manière isolée.

Ces maladies touchent chacune par définition un nombre restreint de personnes, moins d’une sur 2 000. D’origine génétique, infectieuse, cancéreuse… ou auto-immune, elles deviennent massives lorsqu’on les cumule : elles sont au nombre de près de 8 000 !  On estime que 5 à 8 % de la population mondiale serait concernée soit plus de 350 millions de personnes dans le monde, 60 millions de en Europe et aux États-Unis ou encore 1,5 million au Maroc. Il y a donc un défi non seulement médical mais aussi humain et de solidarité à relever.

I/ Une mobilisation générale en faveur des maladies rares

Historiquement, la recherche sur la prise en charge des maladies rares a été impulsée par les Etats-Unis, en 1983,  par une loi, l’Orphan Drug Act. Ce type de dispositions appliquées ensuite en Europe a donné un statut au médicament orphelin offrant un accès plus rapide au marché, dispensant de certaines taxes et impôts (un crédit d’impôts de 50 % pour les sommes allouées à la recherche aux Etats Unis) et garantissant une exclusivité commerciale de dix ans en Europe et sept ans aux États-Unis.

Les essais cliniques entrepris  pour l’évaluation des bénéfices-risques de ces traitements ont été aussi simplifiés : des études regroupant des milliers de volontaires sont nécessaires pour la commercialisation d’un médicament classique alors que pour les maladies rares, en revanche, de plus petites cohortes d’une dizaine ou une centaine de malades suffisent à prouver l’efficacité du produit. Les délais d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) sont raccourcis de près de 2 ans en moyenne. Toutes ces mesures ont fait baisser les coûts et encourager la recherche.

Parallèlement,  les associations de personnes atteintes de maladie  rare continuaient à se mobiliser et se renforcer  partout dans le Monde. L’Association Française contre les Myopathies (AFM) a ainsi joué un rôle déterminant en France. Son organisation d’un Téléthon  depuis 1987  pour financer des projets de recherche sur les maladies génétiques neuromusculaires  a suscité  une véritable prise de conscience collective, débouchant sur la formation d’une « Alliance Maladies Rares », en 2000,  avec plus de 200 associations représentant près de 2 millions de malades.

Au niveau européen, l’organisation européenne d’associations de malades, Eurordis, née en 1997, est le maître d’œuvre chaque année, fin  février,  depuis 9 ans de la journée internationale des maladies rares qui a pris maintenant une envergure mondiale avec la participation d’associations de plus de 80 pays. Eurordis a contribué à l’adoption de lois européennes sur les médicaments orphelins ou sur les thérapies innovantes.

Les Etats européens ont enfin complètement intégré ces maladies dans leur système de soins en instaurant des plans nationaux d’action qui formalisaient  les objectifs et  les mesures à prendre, notamment avec le développement de centres de référence nationaux pour l’expertise et de centres de compétences locaux pour les soins. Quatre pays européens  disposaient d’un tel dispositif en 2009 et, aujourd’hui, 20.

II/ Un enjeu vital de recherche et de développement pour l’industrie pharmaceutique

La recherche fondamentale publique a beaucoup avancée ces trente dernières années dans la connaissance des mécanismes à l’origine de nombreuses maladies rares. L’industrie pharmaceutique a pris le relai  et a été  source d’innovation avec la mise sur le marché de nouveaux médicaments. En 1983, il n’existait que 40 médicaments pour soigner les patients concernés. Actuellement, les médecins ont le choix entre environ 500 traitements différents. Il n’en demeure pas moins que seulement 5 % des maladies rares bénéficient d’un traitement approuvé.

L’industrie pharmaceutique mondiale n’a pas échappé ces dernières années à la crise économique mondiale. Des restructurations avec suppression d’emplois dans ce secteur correspondent à une situation très tendue sur le marché mondial du médicament.  Avec le boom des génériques et l’expiration des brevets, le chiffre d’affaires de l’activité classique sur les « blockbusters », ces médicaments portant sur les grandes maladies, a tendance à régresser. Dans une situation de concurrence exacerbée, l’avenir est alors aux produits à très haute valeur ajoutée, biotechnologies, traitement des maladies rares et vaccins. Tous les grands laboratoires ont créé leur division dans ce domaine et investissent désormais des milliards de dollars dans la recherche sur les maladies rares. D’autant plus que cette dernière  laisse entrevoir des solutions transposables dans le traitement de pathologies plus courantes. Ainsi, le Rituximab, destiné initialement aux lymphomes, est indiqué dans le traitement des formes sévères de certaines maladies auto-immunes telles des anémies, la polyarthrite rhumatoïde ou encore des formes de rejet de greffes d’organes. Les recherches dans la progéria, un vieillissement accéléré, ont un « potentiel » énorme car la protéine mise en cause est la progérine, défectueuse aussi chez les personnes atteintes de cancers. Une découverte de molécules efficaces en ce domaine aurait certainement un effet secondaire sur les chimiothérapies, trithérapies et même le vieillissement normal.

Le marché des médicaments orphelins, évalué actuellement à 100 milliards de dollars, devrait passer à 175 milliards en 2020 (Evaluatepharma : orphan drugs report) et croître à un rythme annuel de 11 % contre 4 % pour les médicaments classiques. Il atteindrait même 20 % des prescriptions en 2020 ! Les laboratoires pharmaceutiques marocains ne sont pas en reste et commercialisent déjà un certain nombre de ce type de médicaments.

III/ Un frein et un problème de santé publique : des prix élevés

Les médicaments orphelins ont obtenu des prix élevés, justifiés par leur valeur thérapeutique et par le faible nombre de patients au regard des investissements énormes et souvent aléatoires (des milliards d’euros). On peut juger en effet que le rendement  doit  être proportionnel au risque pris (de nombreuses recherches n’aboutissent pas, il faut environ 12 ans pour mettre sur le marché un médicament) ; l’innovation bénéficie alors de  brevets conférant un pouvoir de monopole.

 Des dérapages abusifs ont cependant défrayés la chronique : un traitement contre la toxoplasmose cérébrale (maladie opportuniste liée au SIDA), et un traitement contre la cystinurie (une maladie rare) ont vu multiplier leur prix par respectivement plus de 50 et 20 par le propriétaire des sociétés fabricantes aux USA. Ces médicaments étaient pourtant anciens ! Cette évolution a amené une inquiétude croissante des États et assureurs quant aux coûts des traitements. La santé publique est-elle compatible avec les objectifs de rentabilité des grandes firmes pharmaceutiques ?

Cela pourrait amener les Etats à un dilemme financier et éthique : la garantie à un accès universel à des médicaments onéreux qui se multiplient  ou la suppression d’autres actions de santé publique en faveur des pathologies plus courantes. Ce coût est d’autant plus élevé pour la Santé publique que les maladies rares sont souvent chroniques, Des efforts concertés paraissent inéluctables afin de rendre possibles des innovations abordables et de grande valeur, d’autant plus que la plupart des malades dans des pays intermédiaires comme le Maroc n’ont ni les moyens ni la couverture sociale leur assurant un accès à ces produits indispensables.

IV/ Deux exemples de révolutions thérapeutiques

D’origine génétique, la maladie de Gaucher, qui affecte environ 10.000 personnes dans le monde, est provoquée par l’accumulation pathogène d’une substance, le glucocérébroside, dans certaines cellules du corps. Les manifestations de la maladie de Gaucher sont très variables : sensation de fatigue, augmentation de volume du ventre, douleurs des os et saignements du nez, des gencives, hématomes spontanés… Une nouvelle thérapie (Cerezyme) a été introduite en 1991 visant à corriger le déficit enzymatique. Son coût est malheureusement très élevé (environ 300.000 dollars par an aux USA).

L’hémoglobinurie paroxystique nocturne, liée à une mutation génétique, cause une anémie sévère. Peu de personnes sont affectées par cette maladie (environ 8 000 en Europe et 3 000 aux Etats-Unis). Une nouvelle molécule, Soliris, diminue de façon importante les symptômes et le recours aux transfusions. Elle doit être prise à vie.  En dépit de son coût (plusieurs centaines de milliers de dollars par patient et par an), le Soliris est l’un des médicaments qui se vend le mieux au monde, avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars en 2014.

Casablanca, le 18 février 2017

Dr MOUSSAYER KHADIJA  الدكتورة خديجة موسيار

اختصاصية في الطب الباطني و أمراض  الشيخوخة

Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie

Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)

رئيسة الجمعية المغربية لأمراض المناعة الذاتية و والجهازية

Secrétaire générale de l’association des médecins internistes du grand Casablanca (AMICA).

Membre de la Société Marocaine de Médecine Interne (SMMI)

Bibliographie et sites utiles

Orphanet : site de référence gratuit sur les maladies rares, pour les professionnels et le grand public : www.orphanet.fr

La Plateforme Maladies Rares: http://www.plateforme-maladiesrares.org/

ALLIANCE maladies rares :   http://www.alliance-maladies-rares.org/

EURORDIS   http://www.eurordis.org/

ORPHAN DRUG REPORT 2014 :  http://info.evaluategroup.com/rs/evaluatepharmaltd/images/2014OD.pdf

VALUE HEALTH January 2016 :

Thirty Years of Media Coverage on High Drug Prices in the United States—A Never-Ending Story or a Time for Change?

http://www.valueinhealthjournal.com/article/S1098-3015(15)05081-0/abstract?_returnURL=http%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS1098301515050810%3Fshowall%3Dtrue&cc=y

Articles de l’auteur sur les maladies auto-immunes.

– Moussayer K .- Maladies auto-immunes : Quand le corps s’attaque à lui-même (Doctinews)

http://www.doctinews.com/index.php/dossier/item/551-maladies-auto-immunes

– Moussayer K .- Syndrome sec et Gougerot-Sjögren : Entre un mal frequent et une maladie au coeur de l’auto-immunité (Doctinews)

http://www.doctinews.com/index.php/dossier/item/560-syndrome-sec-et-gougerot-sj%C3%B6gren

– Moussayer Khadija مرض أو متلازمة شوغرين مرض يتميز بجفاف الفم و العيون و يصيب النساء بدرجة أول / Gougerot Sjogrën Oujdacity 29/11/2016

/national-article-115394-ar

– Moussayer Khadija الذئبية الحمراء مرض يصيب النساء و لا يزال   فتاكا – Lupus Oujdacity 21/12/2016/

/femme-article-116188-ar

Abstract :

350 million people suffer in the world from 8,000 rare diseases. An orphan drug is a pharmaceutical product aimed at rare diseases or disorders. Their development has been financially incentivised through US law via the Orphan Drug Act of 1983..Sales of these drugs in the US, Europe or Japan will grow at an annual rate of nearly 11% per year through 2020, compared to only about 4% for drugs treating larger populations.

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