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La poéticité du haïku

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Le Haïku, comme je l’ai entendu dire lors de la 4° session du ‘’Mawkib Al Adabi’’ consacré à ce genre poétique, ne se soumet pas aux règles de l’écriture poétique. S’il en est ainsi, d’où  le Haïku tire-t-il donc sa poéticité ? Il serait donc  peu évident de faire admettre aux lecteurs qu’avec quelques  lignes composées de quelques mots agencés à la verticale, ils goûteraient aux délices de la création poétique. Nous connaissons de nom et d’écriture beaucoup de poètes qui ont manqué aux règles de l’écriture poétique en ayant renoncé à leur utilisation, mais il n’en demeure pas moins qu’ils ont laissé à la postérité de véritables chefs d’œuvre en la matière. Je cite à ce propos  Arthur Rimbaud et son ‘’Bateau Ivre’’, Saint John Perse et son ‘’Anabase’’, et d’autres poètes encore comme Lautréamont qui ont brisé les conventions poétiques en vigueur. Il est vrai que la qualité d’un poème ne repose pas simplement sur la métrique et la rime pour assurer équilibre et  musicalité. La métrique et la rime ne sont donc pas à elles seules des critères de poéticité mais il ne faut pas non plus ignorer qu’elles y contribuent. Le Haïku aurait-il donc une quelconque parenté avec les poésies de Rimbaud, de Perse et de Lautréamont ? Peut-être oui, dans la mesure où ils ont aboli les conventions de l’écriture qui fondent la poésie. Avec eux, la poésie a rompu avec les canons de l’écriture en général et de l’écriture poétique en particulier. En effet, jusqu’alors, prose et poésie se partageaient les mêmes canons que l’on peut réduire à ceci : la cohésion, la connexité et l’isotopie qui sont les piliers de la vraisemblance. Mais la poésie s’est distinguée de la prose par son écart formel par rapport à la norme, puis par l’emploi intelligent et réfléchi des artifices de l’esthétique.

Les pionniers de la poésie française de Villon à Baudelaire, en passant par Ronsard et Racine,  avaient posé les jalons de l’écriture poétique fondée sur les règles de versification. Puis sont venus d’autres poètes comme Rimbaud et Perse qui ont violé ce code d’écriture qui a subsisté à travers l’âge grâce aux respects des usages. Les premières de ces règles d’écriture poétique sont l’isotopie et la cohésion. En effet, il serait vain de rechercher chez ces poètes, dans certaines de leurs poésies, un sens ou une suite logique au discours poétique. Et c’est justement dans cet écart qui est en fin de compte une fracture, une anacoluthe au sens général, par rapport à ce qui est admis par l’usage que la poésie retrouve son droit à la différence et à la distiction.

Le Haïku, tel qu’il est pratiqué par les poètes de chez nous et dans notre langue, sans règles, sans limites de frontières avec la norme qui lui sert de point de repère,  peut-il prétendre à une révolution poétique susceptible de faire de lui un type à part entière ? Le haïku, dans ses origines, est composé de trois lignes de 17 mores disposées en  5-7-5 selon un ordre CLC (court-long-court). La langue française a emprunté au japonais cette forme d’écriture fondée sur l’alignement vertical et la division syllabique de chaque ligne en 575 ou CLC. Le vers impair est donc plus souple et plus musical que le vers pair, selon Paul Verlaine, qui le précise dans son ‘’Art Poétique’’.

 

De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

 

Mais, qu’est-ce que la langue arabe a gardé de tout cela ? En fait, elle n’a gardé du haïku qu’une écriture verticale après s’être affranchie de la division syllabique incompatible avec son système qui repose sur ‘’ouvert-fermé’’ ; ‘’dynamisme-statisme’’, ‘’fat’ha-soukoun’’ et du nombre de lignes propres au haïku de source.

On peut donc résumer le haïku à une image brève et brusque, perçue à la lumière d’un éclair par un jour de grande tempête. Chaque coup d’éclair rapporte avec lui une image. De la même manière que les éclairs ne se ressemblent pas, les images capturées à leur lumière ne se ressemblent pas. C’est de là, je crois, que le haïku tire sa poéticité et c’est sans doute cela qui nourrit le haïku de Sameh Derouich.

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