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Regards sur l’intégration des TIC au Maroc II : Le contexte international

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La révolution consiste à aimer un homme qui n’existe pas encore. (Albert Camus)

Les virages de l’histoire humaine:

Thomas Kuhn, dans son essai « La structure des révolutions scientifiques », considère  que les paradigmes se suivent et qu’on passe de l’un à l’autre par une révolution. Allant de cette assertion, on peut dire que  l’histoire de l’humanité a connu trois grandes révolutions dont chacune contribue à l’apparition et à l’évolution des subséquentes:

La première était marquée par Gutenberg  en 1440  avec l’invention de l’imprimerie. Cette invention avait pour tendance de diminuer le coût, garantir la lecture pour tous, et permettre l’évolution de l’esprit critique qui va se lancer au siècle des lumières. Cette démocratisation du livre va permettre l’apparition de nouveaux genres littéraires notamment le roman, donc une large transmission du savoir est dorénavant garantie.

La deuxième invention révolutionnaire est  celle de la machine à vapeur de James Watten 1769. Cette fois,  les notions de temps et d’espace étaient mises en question. La machine à vapeur a permis d’installer les bases de la modernité et de l’explosion communicative inédite. Au passage de l’âge industriel à l’âge de l’information,  la dernière révolution dite numérique estlancée en 1971 avec la création par Intel du premier micro-processeur, « mais elle ne se révèle au grand public qu’au début des années 1980 avec le micro-ordinateur Apple II puis ensuite à l’avènement de l’IBM PC muni du système d’exploitation MS-DOS » (Frayssinhes, 2012). A ce moment, la planète devient un « village global »[1] qui ne cesse de s’évoluer.

Sans centre et sans marges, Internet a bouleversé, depuis les années soixante-dix, les anciens équilibres et a mis en place des basculements qui ne cessent de s’accroître de jour en jour.

Pour Jeremy Rifkin « Ces changements se déploient sous trois chefs principaux : (a) le passage d’une logique de marchés classiques localisés matériellement à une logique de réseau ; (b) le passage du paradigme de la propriété, où ce qui importe est la maîtrise d’un patrimoine matériel, à une logique de l’accès, où ce qui compte est l’usage ponctuel que l’on peut faire d’une information ou d’une expérience de vie ; (c) la marchandisation croissante de la culture » (Saint-Upéry, 2006). Dès lors,  la fracture numérique ne cesse de se creuser entre les producteurs et les consommateurs. La fracture est devenue une fracture au niveau de l’économie du savoir!

 L’institution scolaire, comme son entourage, s’est influencée par les mutations rapides de la mondialisation, ses  nouvelles missions tentent de revoir les rôles traditionnels des différents acteurs notamment le professeur et l’élève vu la présence du médiateur informatique. Le paradigme privilégié n’est plus axé sur la transmission des savoirs qui sont abondants sur le web, mais ce qui est demandé c’est de développer des compétences vendables sur le marché mondial de l’emploi. L’école n’est plus l’affaire d’une minorité politique ou idéologique comme avant, mais depuis que la commission internationale sur l’éducation pour le XXIème  siècle, présidée par  Jacques Delors a écrit pour l’Unesco son rapport « L’éducation un trésor est caché dedans », la vision commence à changer. L’éducation doit pouvoir faire face aux nouveaux défis de l’avenir et  contribue à diminuer la fracture numérique.  (Jacques Delors, 1996)

Le XXIème  siècle impose donc ses  nouvelles exigences qui sont le fruit des grands basculements : Nous vivons un passage de la modernité à la postmodernité, de la culture et des identités nationales  et religieuses à la Culture et aux identités internationales éphémères. Dans la vie des personnes, les groupes réels sont remplacés graduellement par des groupes virtuels qui constituent des nouvelles tribus!

La culture du savoir quant à elle sera remplacée graduellement par la culture du marché. Le livre, medium aux savoirs perd progressivement ses espaces de séduction et cède la place aux systèmes informatiques, ordinateurs, tablettes, ressources en ligne et Internet. Les services publics capitulent face à la privatisation et le transculturalisme.

Sur le plan éducatif, les systèmes d’enseignement classiques sont remplacés par les  modules et les référentiels de compétences, issus des entreprises.  Par conséquent, les états ne  gèrent l’enseignement que partiellement  car d’autres « sociétés » entrent en ligne. Nous prenons l’exemple des modules de formation INTEL, de Microsoft à travers son programme (partnairs in learning), du   PNUD avec les objectifs du millénaire pour le développement qui conçoit huit objectifs pour 2015 et dont le deuxième vise à garantir l’éducation pour tous. Le triangle de Jean Houssaye cède la place au tétraèdre des TIC. Nous oublierons dans quelques années de citer l’illettrisme pour parler plutôt de la littératie !

Nous lisons dans le rapport « Les autoroutes de l’information » de Gérard Théry que la révolution de l’an 2000 sera celle de l’information pour tous. (Théry, 1994)

L’union Européenne (UE) de son côté, a défini dans le cadre de référence européen,  les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. Parmi ces compétences, on trouve la compétence numérique qui implique l’usage sûr et critique des technologies de la société de l’information (TSI) au travail, dans les loisirs et dans la communication. La condition préalable est la maîtrise des TIC: l’utilisation de l’ordinateur pour obtenir, évaluer, stocker, produire, présenter et échanger des informations, et pour communiquer et participer via l’internet à des réseaux de collaboration. (UE, 2007)

Durant une période de 11ans, les taux de scolarisation selon le PNUD restent au dessous des attentes : En 2011, 57 millions d’enfants en âge d’école primaire n’étaient pas scolarisés.  Ce chiffre est en baisse par rapport à l’an 2000 où on a calculé 102 millions. Plus de la moitié de ces enfants non scolarisés vivent en Afrique subsaharienne.

Au plan mondial, 123 millions de jeunes (âgés de 15 à 24 ans) n’ont pas les compétences de base en lecture et en écriture; 61 % d’entre eux sont des jeunes femmes. (PNUD, Objectifs du Millénaire pour le développement, 2013)

Dans le rapport du PNUD 2013, on continue de lire encore que beaucoup d’enfants se voient toujours refuser le droit à l’éducation primaire. Sur le plan des TIC, le PNUD estime qu’à la fin 2013, 2,7 milliards de personnes utiliseront Internet, ce qui correspond à 39% de la population mondiale. (PNUD, Objectifs du Millénaire pour le développement, Rapport de 2013, 2013)

A l’instar des rapports précédents, le rapport annuel de l’OCDE 2011 a examiné les niveaux de formation et effectifs scolarisés, les avantages économiques et sociaux de l’éducation, le financement et les résultats du programme PISA. Ces variables montrent des insuffisances chez les élèves des pays de l’OCDE. Les technologies sont souvent parmi les solutions proposées pour remédier aux échecs constatés. (OCDE, 2011)

De sa part, l’UNESCO considère qu’il est dans ses missions « de faire en sorte que tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, aient accès aux meilleures ressources éducatives, afin de préparer les jeunes à jouer leur rôle dans la société moderne et à participer pleinement à une société du savoir »  (UNESCO, les Technologies de l’Information et Communucation, un programme d’enseignement et un cadre pour la formation continue des enseignants, 2004).

Le XXIème siècle est donc celui où une intelligence collective, comme la nomme Pierre Levy, sera l’intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, et qui aboutit à une mobilisation effective des compétences. L’intelligence collective du XXIème siècle aura donc les caractéristiques suivantes :

  • Décentralisation du savoir et des pouvoirs,
  • Autonomie des individus valorisés en tant que créateurs de sens,
  • Expansion d’un espace intersubjectif dégagé des contraintes économiques et étatiques,
  • Interactivité constante entre les individus et leur environnement (technique, économique, écologique…) dont les modifications sont perçues et contrôlées en temps réel,
  • Désagrégation des structures massives (que l’auteur appelle « molaires ») au profit d’entités autonomes, petites et conviviales,
  • Emergence d’une nouvelle convivialité et d’une nouvelle éthique… (CAILLARD, 2013)


[1] Le terme revient à Herbert Marshall McLuhan

 

 

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