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Citoyens MRE : Une interprétation tendancieuse du discours royal du 17 juin 2011 . Réponse au PJD – France

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                                Par Abdelkrim Belguendouz
                                  Universitaire à Rabat , chercheur en migration

Le 6 octobre 2016 à « Radio Orient », dans le cadre de l’émission « Sans transition » , préparée et présentée par Nadia Bey , un débat a été organisé sur le thème : « les enjeux des législatives au Maroc vus par la diaspora marocaine ».

Parmi les nombreux invités , figurait Zakaria Morchid , présenté comme étant le chargé de la communication de la section du PJD-France . En fait , juridiquement , le PJD n’existe pas en France . Ses militants agissent légalement par le biais de l’Association Maroc-Développement . Bien entendu , notre interlocuteur n’est pas un haut responsable du parti à l’échelle nationale , mais il est important de soumettre au débat public ses propos destinés principalement à la communauté marocaine résidant à l’étranger et à l’opinion internationale en général , dans l’objectif de justifier notamment l’exclusion pratique des citoyens MRE du scrutin législatif du 7 octobre 2016 par le gouvernement Benkirane et , une nouvelle fois , de la représentation parlementaire au Maroc . Ce genre de propos est également tenu à l’intérieur même du Maroc par divers responsables et mérite par conséquent discussion .

            LE DISCOURS DU REPRÉSENTANT DU PJD-FRANCE

Abordant la question du droit de vote et d’éligibilité parlementaire des citoyens MRE par rapport au Maroc , l’intervention du représentant du PJD-France à cette table ronde dont l’intégralité est reproduite à la fin de cet article , a fait ressortir les points suivants :

1 – Le droit de vote des MRE existe déjà dans la réalité concrète . Il est exercé à travers la procuration qui doit être utilisée pour assumer son devoir civique et ne pas pratiquer la chaise vide .

2 – Dans ces circonstances , le droit de vote est une problématique secondaire . Il viendra quand on aura une représentation . Dés lors , il faut militer pour une représentation au parlement .

3 – Bien entendu , il y a l’article 17 de la Constitution où le droit de vote et d’éligibilité des MRE à toutes les élections est acté . Mais s’agissant de la représentation parlementaire , il y a une « limite » énoncée dans un point important du discours royal du 17 juin 2011 . Ce point , ajoute le représentant du PJD-France à la table ronde dit ceci :  » Pour ce qui concerne nos citoyens résidant à l’étranger , ils disposeront d’une représentation parlementaire dés que la formule démocratique y afférent aura mûri ».

4 – Le représentant du PJD-France s’est limité à l’extrait précédent , en ajoutant les commentaires suivants :  » C’est vrai ce n’est pas chiffré , ce n’est pas concret (…) ce n’est pas clair , c’est çà le problème . A mon sens , cela veut dire qu’ils ( les MRE ) ne sont pas mûrs » .

  NOS OBSERVATIONS ET REMARQUES CRITIQUES

Déjà , durant l’émission diffusée par « Radio Orient » , en particulier deux des participants au débat , ont contré la thèse développée par le chargé de communication de la section PJD-France , en montrant sa non pertinence . Il s’agit du militant associatif Salem Fkire , président de CAP SUD MRE et du militant politique Mounire Lyane , conseiller départemental Front De Gauche ( FDG ) . Pour notre part , après une écoute attentive de l’intégralité de l’émission , formulons les observations et remarques critiques suivantes :

La procuration est une insulte

1 – La procuration instituée depuis 2011 pour le vote des citoyens marocains établis à l’étranger aux législatives marocaines et reconduite par le gouvernement Benkirane pour le scrutin législatif du 7 octobre 2016 , n’est qu’un subterfuge pour s’opposer au vote direct des citoyens MRE dans les consulats ( et ambassades) , et à l’élection des députés MRE à travers des circonscriptions électorales législatives de l’étranger .

En faisant l’apologie de la procuration et en demandant que les citoyens MRE l’utilisent pour les législatives à l’intérieur du Maroc , le chargé de la communication du PJD-France fait en fait , comme d’autres membres du PJD à l’étranger , de l’excès de zèle pour être bien vu(s) de la hiérarchie partisane à l’intérieur du Maroc , et notamment du chef du gouvernement , dans le cadre des prochaines recompositions gouvernementales ou institutionnelles qui s’annoncent . Rappelons ici au chargé de communication , ce que disait à propos de la procuration le secrétaire général de son parti , Abdelilah Benkirane lorsqu’il était encore dans l’opposition . Dans une interview parue dans « Le Courrier de l’Atlas » du 10 novembre 2011 , soit deux semaines avant les élections législatives anticipées du 25 novembre 2011 , il déclarait ce qui suit :  » le vote par procuration c’est une INSULTE ! Une façon de dire que les MRE étaient bons quand il s’agissait de faire passer le référendum et que maintenant qu’il s’agit de législatives , ils ne servent plus à rien » .

La nature de la procuration et son rôle d’exclusion des citoyens MRE de leur représentation à la chambre des députés aurait-elle fondamentalement changé maintenant , du simple fait que le PJD n’est plus dans l’opposition , mais dirige le gouvernement de coalition depuis les élections législatives anticipées de novembre 2011 et s’apprête encore à le faire à la suite du scrutin législatif du 7 octobre 2016 !?

      Ne pas amputer le discours royal

2 – Reprenons l’intégralité du discours royal du 17 juin 2011 et ne l’amputons pas de la dernière partie , comme le fait le chargé de communication du PJD en France : « Pour ce qui concerne nos citoyens résidant à l’étranger , ils disposeront d’une représentation parlementaire dés que la formule démocratique y afférent aura mûri , étant entendu qu’ils jouissent du droit de voter et de se porter candidat dans les deux chambres du Parlement ».

Comment peut-on dire à partir de là , que le Roi est contre la représentation parlementaire des citoyens marocains établis à l’étranger et qu’il considère ces derniers comme  » non mûrs » !? Comment penser un seul instant , que le discours royal du 17 juin 2011 , destiné à présenter les grandes avancées en matière de réforme constitutionnelle et notamment au niveau des citoyens marocains résidant à l’étranger , avant de les soumettre au référendum du 1er juillet 2011 auxquels allaient participer également les citoyens MRE , annonce que ces derniers ne pourront pas , dans le cadre de la Constitution rénovée , être représentés au Parlement !? D’autant plus que déjà , dans le cadre de la constitution précédente de 1996 , par le biais des articles 5 et 8 , ils pouvaient être représentés à la Chambre des députés . Donner cette interprétation « limitative » du discours royal du 17 juin 2011 , c’est dans le domaine également des droits des MRE , présenter l’initiative royale matérialisée par le discours historique et fondateur du 9 mars 2011 , non pas comme un tournant progressiste majeur , mais comme une régression et un recul manifeste !

Une interprétation tendancieuse

3 – La citation précédente tirée du discours royal du 17 juin 2011 , ne veut nullement dire que les citoyens MRE ne sont pas mûrs pour la députation .Elle ne signifie absolument pas que le Roi est contre la représentation parlementaire des citoyens marocains établis à l’étranger . Bien au contraire , c’est une invitation pressante et une incitation au mûrissement de la réflexion , à l’ouverture réelle des discussions , à l’approfondissement du débat et à la recherche dans les meilleurs délais possibles du mécanisme démocratique consensuel adéquat , sachant que le principe même de la représentation parlementaire de la diaspora est déjà acquis constitutionnellement . C’est donc le rôle du gouvernement , du parlement , de la société civile d’activer cette réflexion et ces échanges formels pour parvenir à un accord collectif sur la formule pragmatique , le mécanisme ou le procédé concret approprié de représentation parlementaire .

De même , c’est la mission du CCME , depuis sa création il y a 9 ans fin décembre 2007 , de préparer un avis consultatif en la matière , en organisant des consultations ouvertes particulièrement avec la société civile MRE , les partis politiques et les syndicats marocains , et en menant notamment des analyses comparatives sur les expériences étrangères qui ont réussi dans ce domaine comme en Tunisie , en Algérie , en Italie , au Portugal , au Mozambique , au Cap Vert , en Colombie , en Equateur etc…Sur ce cahier de charge , rappelons-nous en particulier le communiqué  du Cabinet royal , publié par l’agence officielle Maghreb Arabe Presse à la suite de l’audience de nomination accordée le 21 décembre 2007 à Driss El Yazami et à Abdellah Boussouf respectivement comme président et secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger :

 » Sa Majesté le Roi a insisté sur le devoir qui incombe au Conseil de s’attacher , en plus de l’exercice de ses attributions , à approfondir la réflexion sur l’action à mener et à œuvrer de manière impartiale , en toute responsabilité et avec la sagesse , la clairvoyance et l’ouverture d’esprit requises , en vue de soumettre à la Haute Appréciation Royale des recommandations sur  ( … ) les conditions à réunir pour garantir une présence réelle , globale et graduelle des citoyens marocains à l’étranger , au sein de toutes les institutions nationales et de tous les secteurs d’activité du pays  » .

Parmi les institutions nationales , il y a évidemment la représentation parlementaire des citoyens MRE et notamment à la Chambre des députés . Certes , dans cet esprit , parmi les six groupes de travail institués au sein du CCME , il y a eu celui sur  » la citoyenneté et la participation politique  » des MRE . Mais le trio dirigeant du Conseil ( le président , le secrétaire général et l’ex-numéro 3 ) , n’a jamais laissé les membres du groupe mener objectivement et honnêtement le travail . Par contre , ce qui les intéressait au plus haut point et sur lequel ils ont concentré leur action , c’était d’empêcher coûte que coûte cette représentation parlementaire en la dévalorisant , en la déligitimant et en la dépréciant , en répandant par ailleurs toute une série d’arguments fallacieux de non faisabilité pour des raisons techniques , organisationnelles et logistiques .

Tirer les enseignements du dernier discours royal au Parlement

A ce propos , on ne peut être que surpris par l’indolence et la nonchalance de la réaction écrite du secrétaire général de ce Conseil ( qui a signé il est vrai l’article à titre personnel ) au discours royal d’ouverture de la session parlementaire le 14 octobre 2016 , qui a fustigé sèchement l’administration marocaine et de nombreuses institutions , en insistant sur la nécessité pour l’Administration marocaine au sens large et pour les diverse institutions nationales de se mettre au service également des citoyens MRE .

Dans son article paru en arabe sur Hespress et bien que parlant au même moment de la « gifle adressée au corps administratif malade » et du « nouveau concept de l’administration  » , tout se passe comme si le CCME en particulier , n’était pas aussi interpelé par ce discours royal pour mettre fin à de multiples dysfonctionnements qui le caractérisent depuis des années et se mettre enfin à l’écoute et au service des réelles attentes et préoccupations des citoyens MRE , en formulant notamment en bonne et due forme , des avis consultatifs en matière de politiques publiques dans divers domaines et secteurs les concernant . Avec cet article , tout se passe comme s’il n’y avait pas une crise de confiance entre les citoyens MRE et cette instance consultative et que le chantier de la refondation du CCME n’était pas une urgence !

Au total , dire que « nos citoyens résidant à l’étranger disposeront d’une représentation au Parlement dés que la formule démocratique y afférent aura mûri  » , signifie bien de notre point de vue , que cette formule doit être conçue et pensée de manière démocratique et rigoureuse , qu’elle doit être préparée de façon pragmatique , avec une volonté politique forte d’aboutir concrètement et non pas de faire mourir et d’enterrer l’idée même de cette représentation parlementaire , en répétant à satiété que la situation n’est pas propice , n’est pas mûre . Alors qu’au même moment , on pratique l’immobilisme au niveau gouvernemental et on combat l’idée même de cette représentation par le CCME voir même par le CNDH qui continue à proposer non pas le vote direct des citoyens MRE dans les consulats , mais le vote électronique ou par correspondance vers le Maroc , après l’échec flagrant de la procuration !!!

A l’occasion de l’approche du 10ème anniversaire du discours royal fondateur du 6 novembre 2005 , qui est resté sans concrétisation concernant la représentation parlementaire des citoyens MRE , et pour couper court à des interprétations qui déforment l’esprit de grande ouverture du discours royal du 17 juin 2011 et mettent en doute la conviction démocratique profonde qui l’a animé , nous voudrions formuler un vœu en tant que citoyen . il serait hautement souhaitable que le thème soit de nouveau solennellement abordé pour que sur le fond , l’œuvre de Réconciliation Nationale engagée depuis le nouveau règne en direction des citoyens marocains établis à l’étranger ne reste pas inachevée , en raison d’un certain nombre d’arguments fallacieux développés notamment par certains responsables institutionnels , et repris par certains au niveau du débat public .

Ici l’intégralité de l’émission de « Radio Orient »

    Rabat , le 18 octobre 2016

Abdelkrim Belguendouz
                                                          Universitaire à Rabat , chercheur en migration

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