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Amertume des citoyens MRE…

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Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat , chercheur en migration

Sur le site officiel du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger et en marge de la célébration de la Journée nationale du Migrant ( 10 août ) , un éditorial de Abdellah Boussouf , secrétaire général du CCME , est encore publié sous le titre :  » Bonne fête à tous les Marocains du monde  » .

A l’occasion de la présentation des vœux , le secrétaire général du CCME écrit notamment ce qui suit :  » La journée nationale du migrant est célébrée cette année avec un goût d’amertume . En plus des conditions économiques difficiles et des conséquences pesantes de la crise économique dans les principaux pays d’accueil , la communauté marocaine dans plusieurs pays a été confrontée à des épreuves difficiles , à cause des actes terroristes qui ont touché l’Europe et qui l’ont confronté à des traitements discriminatoires . En France ou en Belgique par exemple , la communauté marocaine a été doublement touchée par ces actes :  devant faire preuve concrète d’indignation car ses membres faisaient partie des coupables et des victimes d’une part , et résister d’autre part au racisme et à l’islamophobie à leur égard dans presque tous les milieux  » .

On ne peut que souscrire à ce constat . Mais dans une certaine mesure seulement . En reliant les développements précédents à d’autres éléments de l’éditorial , Trois raisons fondamentales justifient , de notre point de vue , cette limite .

  Trois raisons principales

La première raison tient au fait que dans tout l’article , on ne trouve nulle trace d’une quelconque autocritique du Secrétaire général du Conseil concernant la faillite des gestionnaires du dossier de la communauté marocaine à l’étranger , dans l’encadrement surtout des jeunes en particulier au plan éducatif , religieux et culturel , ce qui entraîne même ci n’est que partiellement , une perturbation identitaire pouvant faciliter la perméabilité à certaines formes de radicalisation , impulsées par des extrémistes .

Tout juste si le secrétaire général admet l’existence d’une lacune au niveau de la société marocaine , qui ne se préoccupe pas de manière centrale du dossier migratoire  et ce ,  » malgré tous les efforts entrepris » dans le cadre de « l’engagement » des officiels  , sous-entendu du CCME lui même . Or ce faisant , l’analyse occulte la responsabilité première des politiques publiques et des institutions marocaines concernées comme le Conseil Européen des Oulémas Marocains , la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger , le CCME ( même  si l’institution n’a qu’une mission consultative) , le ministère des Affaires étrangères et de la coopération , le ministère chargé des MRE et des affaires de la migration , le ministère des Habous et des affaires islamiques .

La deuxième raison à la limite de l’analyse du secrétaire général du Conseil , renvoie au fait que l’amertume perceptible présentement chez nos compatriotes établis à l’étranger , ne provient pas uniquement et exclusivement de la situation de crise et d’atmosphère délétère prévalant dans les pays d’immigration , sur fond d’attentats terroristes  où sont impliqués notamment des immigrés marocains dans ces pays où leurs descendants .

Une autre forme d’amertume existe chez nos compatriotes établis à l’extérieur des frontières nationales . Il s’agit tout à la fois de la grande déception des citoyens MRE , de leur colère , révolte et désillusion , liées à la non prise en considération de leur citoyenneté intégrale par le gouvernement Benkirane et sa majorité parlementaire , à l’approche de la tenue du scrutin législatif du 7 octobre 2016 . En effet , l’attente démocratique de nos concitoyens MRE n’a que trop duré , en dépit d’une part des luttes et combats multiformes menés de manière responsable depuis bien des années par la société civile MRE et celle à l’intérieur du Maroc , et d’autre part des avancées constitutionnelles indéniables et des promesses officielles réitérées les plus solennelles en la matière , mais non tenues .

Là aussi , l’analyse du secrétaire général du CCME est prise en défaut par le déni du grand désenchantement des MRE au plan politique marocain et par l’occultation de la responsabilité en la matière de sa propre institution , qui a été de notre point de vue , complice au niveau de son trio dirigeant ( existant pour le numéro 3 il y a encore un an ) , du travail de sape du lobby anti – citoyenneté des MRE par rapport au Maroc !

La troisième raison montrant la limite de l’article  analysé est la suivante . D’ici l’année prochaine , il s’agit d’aller bien plus loin des souhaits évasifs exprimés par l’éditorial en question . L’aspect politique et démocratique du dossier des citoyens MRE est incontournable . Si le secrétaire général du Conseil pense à l’apport des compétences marocaine du monde à la  » concrétisation de chantiers comme la régionalisation avancée , la démocratie participative , les conseils de gouvernance » , il occulte superbement celui de la démocratie représentative ,  pourtant inscrite dans le marbre de la Constitution ( article 17 ) . A notre sens , l’impératif démocratique ne peut être convenablement réalisé  que par une très forte volonté politique de l’Etat , par les soins d’un arbitrage royal fort attendu , en vertu de l’article 42 de la Constitution rénovée de 2011 .

Hâter l’opérationnalisation de l’article 163 de la Constitution

Sur un autre plan , tarde à venir la nécessaire opérationnalisation de l’article 163 de la Constitution pour la mise en place d’un CCME démocratique et représentatif , avec une gestion saine et transparente et des résultats efficients . Autant de qualités qui manquent à ce Conseil depuis pratiquement neuf ans , sans reddition des comptes par les responsables , ni leur recadrage .

Si l’éditorial estime qu’il est  » impératif de réévaluer les politiques publiques » en direction de la communauté marocaine à l’étranger , il appartient aux responsables mêmes du CCME , de faire en sorte notamment que le Conseil joue le rôle consultatif et prospectif qui lui est assigné .

Rabat , le vendredi 19 août 2016

   Abdelkrim Belguendouz
   Universitaire à Rabat , chercheur en migration

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