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LA DEFAITE DES POLITIQUES DE LA PEUR

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    LA DEFAITE DES POLITIQUES DE LA PEUR

Un aspect frappant des événements, en  tant que surgissement de l’inattendu et de l’improbable, c’est leur effet de décentrement. Il nous invite à déplacer le regard,  à changer de focale, à nous décaler nous-mêmes.  C’est son véritable effet de souffle, bien au-delà de l’espace géopolitique dans lequel il s’inscrit.

Et parmi les élites politiques et médiatiques, les résistances immédiates à cette invite au déplacement, à l’abandon de nos préjugés ou de nos aveuglements l’ont confirmé.  le début de « 89 » arabe, ce qui a été frappant  dans les pays arabes, c’est combien, face à la nouveauté des mouvements, la méfiance et la distance se sont mises en place comme des automatismes : la peur de l’Islamisme, la peur de l’immigration, la peur de la déstabilisation, la peur du  changement ,la peur de l’inconnu, la peur de l’étranger,  la peur du monde…

Mais il n’y a pas que le monde politique, les commentateurs de tous bords se pressent de décortiquer les médias, non pas pour s’en réjouir, comme d’une bonne nouvelle, la tendance, au contraire, était de mettre en doute en s’inquiétant de la suite : « attention ce sont les islamistes ! »

Toutes les chancelleries étrangères ont exprimé leur peur de tout renouveau,  surtout lorsqu’il s’agit de démocratie. Cette prétendue stabilité n’était pourtant faite que d’injustices, d’ignorance des droits élémentaires des citoyens, de dictatures interminables,  refus de libertés fondamentales, c’est-à-dire de tous les ingrédients qui nourrissent l’amertume, le ressentiment,  la colère et la violence. Face à l’incertitude de la démocratie et de ses désordres imprévisibles, la dite stabilité cachait en réalité une forte instabilité incarnée qu’on regrette face au doute et à l’incertitude d’une démocratie naissante.

Alors qu’on croyait fermement que les révolutions arabes devraient libérer les peuples de leurs peurs, on s’aperçoit qu’il faudrait absolument y rester enfermé plus que jamais. Tout d’un coup, le centre de gravité s’est déplacé, un monde longtemps considéré comme périphérique est venu s’installer au cœur de l’actualité et tous les regards se portent sur lui.

Or, sur ce monde, un ensemble d’images négatives parvenaient depuis les guerres de décolonisation. A partir de révolutions inachevées, se déversait un flot de stéréotypes sur des sociétés réputées figées et incapables d’évoluer. Tout ceci accompagné d’une peur de l’Islam. Et ce processus  s’est encore aggravé ces dernières années.

Il nous faut revenir aux origines de ces peurs et de ces images négatives  dans l’histoire contemporaine, en remontant à la colonisation. L’occupation de l’Algérie, en 1830,  a été un coup très  dur porté à l’Empire musulman. A partir de 1883, le monde occidental entre par effraction, de manière assez brutale et violente, dans l’histoire musulmane.

Inversement, l’Orient qui résiste entre aussi en Occident, au niveau des représentations et des imaginaires. Plus le temps de cette résistance    se prolonge, plus les stéréotypes, les fantasmes, les représentations, les représentations négatives et inquiétantes autour de la question de l’Islam se multiplient. C’est la détermination de cette résistance orientale qui alimente et régénère les stocks de préjugés accumulés au cours des siècles précédents. En même temps, cette conflictualité contribue à forger un  refuge politique et identitaire par rapport à la modernité occidentale, importée de l’extérieur.

L’école orientaliste française a pris en charge à la fois l’étude des aspects  religieux et culturels, de la langue, de l’histoire et de tout ce qui caractérise la société endogène. Toutefois on l’a oubliée depuis, parce que les combats de décolonisation ont  aussi été des moments de délégitimation sur le plan idéologique de ce qu’elle a pu représenter Il serait très fructueux de consulter la fameuse documentation savante, accumulée par d’éminents islamologues ,qui n’a pas été relayée et diffusée dans la société française, ce qui explique les raisons  d’une connaissance très faible des pays du Sud, et pas seulement du monde musulman.

DE VIVE VOIX : Mohammed Essahlaoui

 

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