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L’auteur/narrateur/personnage dans la Boîte à Merveilles d’A.SEFRIOUI

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En discutant avec certains collègues de langue française du cycle du qualifiant ou en consultant, par curiosité ou par instinct de connaissance, les cahiers de français des élèves des premières années du baccalauréat, j’ai constaté avec un peu de surprise et beaucoup d’incompréhension une infraction unanime et manifeste perpétrée contre le code de lecture de l’autobiographie. En effet, les collègues de langue française, et par un commun accord que rien ne justifie, font dire à leurs élèves et de manière erronée, que dans un texte autobiographique, comme ‘’La Boîte à Merveilles’’ de Ahmed Séfrioui, roman au programme des premières années du baccalauréat, l’auteur est à la fois narrateur et personnage, (auteur=narrateur=personnage). Je considère, en ce qui me concerne, que cette triple égalité, puisée sans doute dans des manuels de pacotille à caractère commercial ou dans des sites Internet de peu de crédit,  est fausse dans l’une de ses parties, et que les professeurs en question n’ont pas pris la peine de la mettre à l’épreuve.

Comme chacun sait, l’ouverture du roman est, de manière générale, consacrée à l’installation de l’histoire dans son cadre spatiotemporel et à la mise en place des personnages dans ce double cadre.

Dans ‘’ la Boïte à Merveilles’’, le cadre temporel est à déduire des indices chiffrés qu’offre le roman. Si le lecteur veut bien prendre la peine de lire les éléments biographiques et bibliographiques situés à la page 250, et ceux glanés aux pages 3 et 6 relatifs à l’âge du personnage principal, il mettra la main sur des données précieuses qui lui permettront à coup sûr de situer l’histoire dans son cadre temporel.

-1915 ; 1954 : La première des dates correspond à la date de naissance de l’auteur, la seconde à celle de l’écriture de ‘’La Boîte à Merveilles’’ et par conséquent informe le lecteur sur l’âge de l’auteur ( 39 ans) au moment de l’écriture du roman.

-6 ans : A la page 3 et 6 du roman, il est question d’un enfant de six ans :’’Je vois… un enfant de six ans’’ ; ‘’J’avais peut-être six ans’’ ; ‘’A six ans, j’étais seul’’.

A partir des données chiffrées relatives à la date de naissance d’Ahmed Séfrioui et à l’âge du narrateur, on peut déterminer l’époque du déroulement des faits autour de 1921.

1-L’auteur de 39 ans, situé en 1954, et au moyen d’un flash back (une rétrospection, une analepse) effectue un retour en arrière d’une portée de 33 ans pour se retrouver en 1921. Le lecteur se retrouve donc en présence de deux époques qui auront une incidence certaine sur la compréhension de l’œuvre dont la lecture nécessite des va et vient entre 1954 et 1921, entre l’époque d’écriture et celle du déroulement des faits. Se pose alors le problème de l’emploi du JE. En effet, l’auteur comme le narrateur, comme le personnage usent du même pronom JE qu’ils emploient dans leurs prises de parole. Pour distinguer l’un de l’autre, le lecteur est appelé à considérer le système verbal ou les temps des verbes qui suivent le JE.

A-    1954, correspond, comme on vient de le dire, à la date d’écriture du roman et par conséquent à l’âge adulte de l’AUTEUR.

L’AUTEUR, il est vrai, utilise le JE comme sujet, c’est un JE narrant, suivi des temps du discours qui sont le présent d’énonciation, le futur et le passé composé. La fonction du JE narrant est de critiquer, commenter, porter des jugements, émettre des réflexions. Ainsi en est-il du passage de la première page ‘’Le soir, quand tous dorment…un piège en fil de cuivre’’(page 3) où il porte un jugement sur sa condition d’homme souffrant et d’enfant ayant souffert de la solitude. Ne dit-il pas ‘’Ma solitude ne date pas d’hier’’ ? Et du passage des pages 8 et 9 ‘’Je crois n’avoir jamais mis….accompagner ma mère au bain maure’’ dans lequel il porte des jugements dépréciatifs sur le bain maure qu’il n’aimait pas enfant et qu’il n’aime pas adulte.

B-    1921, correspond à l’époque du déroulement des faits, à l’âge de l’enfant de six ans, qui, lui aussi, obligé par les contraintes de l’autobiographie, utilise le JE pour s’exprimer : le JE narré. Le JE a donc  une double fonction :

1-      En sa qualité de NARRATEUR :

a-      Il a la fonction de NARRER : pour cela, il utilise les temps du récit( le passé simple comme temps de base) :’’Dès notre arrivée, nous grimpâmes…Je l’entendis dire à la caissière…’’pages 9,10,11.

b-      Il a la fonction de DECRIRE : pour cela, il emploie l’imparfait de description, qui compte, dans ce cas, parmi les temps du récit : ‘’Nous habitions Dar Chouafa …désespoir’’( pages 3, 4) où il s’agit de la description d’une scène animée d’une soirée de transes organisée par la Chouafa et ‘’Les deux pièces…à dévoiler plus sûrement l’avenir’’ (page 5) où il décrit Dar Chouafa et installe les personnages dans ce lieu.

2-      En sa qualité de PERSONNAGE, il joue le rôle de Sidi Mohammed. Il emploie, dans ses échanges de parole, le discours direct et les temps du discours. ’’Je ne veux pas aller en Enfer ’’ (page 8) ; ‘’Toi, papa, tu as deux poils blancs à ta barbe. Je crois que tu vieillis’’ (page 43). Il faut convenir que comme PERSONNAGE, Sidi Mohammed parle peu.

Récapitulation : Grâce aux données chiffrées qu’offre le roman et la lecture du roman et grâce à l’analyse du système temporel, le lecteur de La Boîte à Merveilles peut distinguer l’AUTEUR, du NARRATEUR, du PERSONNAGE et le rôle de chacun d’eux.

A-L’AUTEUR, situé en 1954, commente, critique, porte des jugements, émet des réflexions.

B-LE NARRATEUR, situé en 1921, raconte l’histoire

C-Le PERSONNAGE, lui aussi situé en 1921, joue le rôle de SIDI Mohammend.

CONCLUSION : l’AUTEUR est donc différent du NARRATEUR et du PERSONNAGE : AUTEUR #NARRATEUR=PERSONNAGE

Les pages renvoient à l’édition  »Librairie des Ecoles-Casablanca

 

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17 Comments

  1. reda
    12/10/2011 at 21:24

    joli article professeur, j’aimerai que vous en fassiez d’autres à propos des autres romans pour éclaircir le chemins des élèves comme moi.

  2. prof
    12/10/2011 at 22:46

    je crois que vos collègues ont donné la definition exacte de l autobiographie.sauf que dans le cas de « la boite à merveilles » il s’ agit plutot d un roman autobiographique car l auteur s appelle ahmed alors que le personnage narrateur s appelle sidi mohamed.de plus l auteur s’ accorde des libertés du roman et de la fiction et les souvenirs sont difficilement identifiables.quant à l analyse que vous avez faite en vous basant sur les données chiffrées reltives aux dates d ecriture …c est utile pour faire comprendre aux élèves la différence entre le discours et le récit et leur permettre ainsi de differencier entre le narrateur adulte et le narrateur enfant .

  3. interéssé
    12/10/2011 at 22:58

    cette distinction que vous essayez d étabblir entre l auteur et le narrateur dans la boite à merveilles me semble valable pour toutes les autobiographies car c est tout à fait normal qu il y ait un decalage entre la date d écriture et la date des évenements.autrement dit entre le temps de l histoire et le temps du récit.donc il ne faut pas se baser sur ce critère pour nier le caractère autobiographique à l oeuvre d ahmed sefrioui qui est en fait un roman autobiographique et non une pure autobiographie .

  4. eleve
    14/10/2011 at 20:48

    l’auteur n’est pas le narrateur
    l’auteur écrit un roman c’est tout

  5. xy
    16/10/2011 at 22:38

    bravo mon frof

  6. Enseigant
    17/10/2011 at 22:27

    c’est jnteressant de se corriger,je ne vois aucun mal sur ce que Mr Zayed a écrit,
    tout le monde peut commettre des erreurs ,le problème c’est de continuer a refaire les mêmes erreurs au lieu de se corriger .Je souhaite que les professeurs de Français se rendent compte de l’importance de ces remarques et les prennent en considération.

  7. KARIM
    19/11/2011 at 23:04

    Il y a une petite nuance entre autobiographie et roman autobiographique dans la mesure ou le dernier genre est une autofitcion,c’est-à-dire l’auteur raconte parfois des événements fictifs pour un interet personnel ou une visée appréciative ou dépréciative.Aussi,faut-il ajouter que dans le roman autobiographique l’auteur est différent du narrateut,ainsi dans la Boite à merveilles,on a deux instances narratives:l’auteur Ahmed Sefrioui et Sidi Mohammed le narrateur-personnage.En d’autres termes,on a un je narrant adulte identifiable par ses inrusions(jugement,réflexion,critique,commentaire) et un je narré, c’est l’enfant qui vit l’histoire et qui à son tour raconte ce qu’il a fait,vecu,vu et ressenti dans sa ville,il livre sa vision du monde.

  8. Reda
    15/06/2013 at 18:36

    1954 est, d’après mes connaissances, la date de parution, non pas celle d’écriture.

  9. latifa
    09/10/2013 at 18:08

    la boite à merveilles c’est un roman autobiographique

  10. hicham
    21/10/2013 at 14:05

    Merci pour votre analyse fructueuse,mais excusez moi de vous porter une nuance concernant la date de l écriture du roman autobiographique est 1952.

  11. ALAOUI Mohammed
    22/11/2013 at 10:15

    En effet, dans un roman autobiographique il vaut mieux montrer aux élèves qu’on a affaire à deux narrateurs dans le roman: le narrateur adulte ( auteur à l’age adulte = Ahmed Sefrioui) qui intervient dans le roman pour faire un commentaire sur des faits antérieurs passés à l’enfance d’ou l’emploi du présent qui correspond au moment de l’écriture; et le narrateur enfant ( personnage principal = sidi Mohamed ) qui raconte les faits vécus d’ou l’emploi du passé simple et de l’imparfait qui correspondent au moment des souvenirs.

  12. meriem
    03/10/2014 at 22:02

    Il y a une petite nuance entre autobiographie et roman autobiographique dans la mesure ou le dernier genre est une autofitcion,c’est-à-dire l’auteur raconte parfois des événements fictifs pour un interet personnel ou une visée appréciative ou dépréciative.Aussi,faut-il ajouter que dans le roman autobiographique l’auteur est différent du narrateut,ainsi dans la Boite à merveilles,on a deux instances narratives:l’auteur Ahmed Sefrioui et Sidi Mohammed le narrateur-personnage.En d’autres termes,on a un je narrant adulte identifiable par ses inrusions(jugement,réflexion,critique,commentaire) et un je narré, c’est l’enfant qui vit l’histoire et qui à son tour raconte ce qu’il a fait,vecu,vu et ressenti dans sa ville,il livre sa vision du monde.
    Source : link to oujdacity.net

  13. Anonyme
    06/10/2014 at 14:01

    je aime boucoup cette romon `la boite a merveille` mercice……………….

  14. Boualem Mhamed
    15/11/2014 at 14:45

    Votre analyse est pertinente, méthodique et qui offre de plus une vision transversale de l’idée que vous critiquez. A vrai dire, ce problème me préoccupe moi aussi et j’y pense souvent. Ce  » Je  » caméléon qui change d’un paragraphe à l’autre.
    Concernant l’idée que bcp d’entre nous se trompent qt à l’explication de ce système énonciatif, j’en doute pas, mais j’ai remarqué par contre une contradiction en ce que vous dites Mr. Vous dites roman, une pure fiction, d’ailleurs Ahmed Sefrioui insiste à ce que la BàM soit un roman et même sa couverture porte son genre ( Roman ) si nous considérons cela comme vrai, l’auteur Mr, est loin de tout ( c’est l’homme qu’on connait, l’écrivain qui a écrit le texte ). Il reste à dire que le roman se Lejeune et Genette, peut parfaitement imiter une autobiographie, et le texte par sa construction ambigüe ne peut en aucun cas offrir des réponses distinctives afin de trancher et dire qu’il s’agit d’une autobiographie. Pour résoudre ce problème, cet énigme du  » je  » on ne peut parler dans ce cas et ce que j’appelle personnellement ( intersections ) sans s’identifier, l’auteur a du s’inspirer de sa vie pour nous écrire cette fiction, cette histoire du petit qui porte un prénom autre que l’auteur et qui a vécu des choses impossible à vivre sur le plan réel, des histoires imaginaires, des faits déformés… Mais on ne peut s’empêcher de dire qu’il y a des traces, insuffisantes pr parler de l’autobiographie uniquement, ( lieu de résidence, prénom de son oncle abdeslam, l’école coranique…) mais cette part de la fiction dominante à vrai dire, au niveau du texte et confirmée même par l’auteur lui même dans une interview télévisée et dans un article de journal ( l’économiste 1994 ). Je vous contredis sur ce point, que l’auteur commente, parle ou quoi que ce soit, absolument pas, les seuls deux narrateurs sont le narrateur enfant = Sidi Med et le narrateur adulte = sidi Med l’adulte, et leur JE se fusionne ( J’avais peut etre six ans ) ( Je vois un petit garçon de six ans ) on ne peut jamais trouver l’identité de l’auteur dans l’œuvre à part ces qqes intersections faibles mais qui permettent en fait de dire qu’il s’agit d’un roman autobiographique ou roman à caractère autobiographique comme celui de Nathalie Sarraut, Albert Camu, Stendhal, Musset et d’autres….
    Personnellement qd j’enseigne la boîte à merveilles, je ne parle pas de l’intervention de l’auteur. Les deux narrateurs, l’adulte commente, l’enfant accède aux lieux sacrés, l’univers des femmes et ainsi de suite… il se peut que l’auteur de temps à autre s’inspire de sa vie puisqu’il parle de sa ville natale, l’endroit où il était enfant autrefois. Il reste à savoir que ce roman autobiographique a pour objectif de peindre la culture marocaine, relater la vie du Maroc des années 20/30… c’est aussi un roman ethnographique. Merci Mr ( simo_maroc_g@hotmail.fr

  15. anonyme
    29/09/2015 at 21:57

    j’ai une question pour vous.
    pourquoi Ahmed sefrioui a-t-il choisi comme nom du personnage principal  » Sidi Mohamed « ???

  16. lamyae
    06/11/2015 at 22:32

    En effet, dans un roman autobiographique il vaut mieux montrer aux élèves qu’on a affaire à deux narrateurs dans le roman: le narrateur adulte ( auteur à l’age adulte = Ahmed Sefrioui) qui intervient dans le roman pour faire un commentaire sur des faits antérieurs passés à l’enfance d’ou l’emploi du présent qui correspond au moment de l’écriture; et le narrateur enfant ( personnage principal = sidi Mohamed ) qui raconte les faits vécus d’ou l’emploi du passé simple et de l’imparfait qui correspondent au moment des souvenirs.
    Source : link to oujdacity.net

  17. asmae
    27/12/2015 at 20:30

    merci

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