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L’espace de projets de JERADA

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L’espace de projets de Jrada

1. Caractéristiques générales

La zone minière de Jrada-Touissit-Boubkere représente un espace tout à fait à part dans l’Oriental, en raison de son économie longtemps basée sur l’extraction, d’une part, et des problèmes sociaux que l’effondrement de cette activité pose à différents niveaux, d’autre part. C’est que l’exploitation du charbon principalement, du plomb et du zinc, secondairement, pratiquée sur plusieurs décennies, y a à la fois procuré de l’emploi et généré des revenus, tout en sous-produisant des centres urbains à caractère bien particulier.

L’épuisement avancé des réserves rendant, l’extraction minière de plus en plus difficile et coûteuse, ajoutés à la chute des cours des matières premières produites sur le marché mondial, se sont combinés pour condamner l’exploitation du charbon à l’arrêt d’abord, puis incessamment celle du plomb et du zinc.

Cette évolution a placé cet espace dans une situation de crise tout à fait inédite au Maroc, requérant ainsi une approche spécifique et originale ainsi que des moyens importants pour en résoudre les multiples problèmes fort complexes, tout particulièrement au niveau social, puisqu’il s’agit de s’occuper de l’avenir de 90 000 individus peuplant actuellement les centres urbains (74000) et les espaces ruraux (16000) .

Pour remédier à cette situation difficile, l’Etat a élaboré un plan d’action destiné à reconvertir l’économie de Jrada pour y créer de l’emploi, notamment pour les jeunes, par le biais d’un processus d’externalisation des activités liées à la mine.

1.1. Données physiques

L’espace de projet de Jrada correspond aux communes rurales de Tiouli, Boubkere, Ganfouda, Laaouinate et Ras Asfrour, avec les villes de Jrada, à l’ouest, et les petits centres de Touissite, Boubkere et Ouad Al Heimer, à l’est jouxtant la frontière.

Couvrant quelque 1550 km², le massif de Jrada et ses prolongements, se caractérisent par un climat semi-aride sur les hauteurs, ce qui permet l’existence d’un matorral (souvent dégradé), et d’un climat aride sur les versants Sud et Est notamment, couverts par une steppe d’alfa plus ou moins bien fournie, support d’un élevage extensif ovin et caprin important.

1.2. Évolution de la population et perspectives démographiques

L’effectif de population qui était de l’ordre de 72.000 personnes au total en 1982 pour l’ensemble de l’espace, s’est élevé à 86.000 en 1994, soit une augmentation du 1/5 environ. En fait, cette augmentation a concerné le milieu urbain et uniquement la ville de Jrada, (passant de 43.000 à 59.000), alors que la population totale des trois autres centres a stagné au niveau de 9000 âmes, au moment où la population rurale a chuté de 20.000 à 17.600 individus (-12%).

Il s’agit donc, en bonne partie, d’un transfert de population rurale vers Jrada où apparurent de nombreux quartiers souvent clandestins.

Considérant ces rythmes d’évolution, on peut prévoir que la tendance globale sera vers la stagnation de l’effectif de population, et au mieux vers une très légère augmentation, résultat d’une réduction encore plus forte de la population rurale et, probablement aussi, de la population des petits centres miniers frontaliers. Seule une politique franchement volontariste qui relance les économies urbaine et rurale sur de nouvelles bases pourra éviter l’approfondissement de la crise socio-économique et, donc, l’aggravation d’un mouvement de dépeuplement de cet espace.

Les prévisions démographiques de cet espace sont faites sur la base de cette hypothèse de relance, sachant bien que ses effets ne peuvent être spectaculaires et que cela prendra beaucoup de temps pour se traduire concrètement sur l’espace et sur l’évolution de la population. Ainsi, la population actuelle peut être estimée à 90.000 âmes dont plus des 4/5 en milieu urbain (74.000) et un peu moins de 1/5 en milieu rural (16.000 âmes dont près de 4.000 dans les petits centres émergents).

Le volume et la structure futurs de la population de cet espace de projets seront profondément conditionnés par les types d’intervention et la nature des actions qui seront prises en sa faveur, afin de fixer les populations dans les centres actuels, encourager l’émergence de nouveaux centres pour mieux structurer l’espace  et encadrer les populations rurales. Dans ces conditions, les perspectives démographiques établies pour cet espace de projets se présentent comme suit :

Perspectives démographiques des villes et  centres actuels

 
Villes    2000    2010    2025      
Jrada    64 000    68 000    72 000      
Touissit    5 000    6 000    7 500      
Boubkere    2 500    3 500    5 500      
Ouad Al Heimer    2 500    3 500    5 000      
Total    74 000    81 000    90 000     
Source : Elaboration Edesa

La population urbaine des villes actuelles dépassera les 80.000 habitants en 2010 pour atteindre les 90.000 habitants en 2025, soit un effectif équivalent à la population actuelle tout entière, urbaine et rurale. A cette population des centres urbains actuels, il faudrait ajouter celle des centres émergents de Ganfouda, Labkhata, Tiouli et Laaouinate qui seront érigés en centres urbains au cours des prochaines années et dont la population peut être estimée à quelque 7000 habitants en 2010 et près de 11.000 habitants en 2025.

Perspectives démographiques des centres émergents

 
Centres émergents    2000    2010    2025      
Ganfouda    1200    2500    4000      
Labkhata    800    1200    2200      
Tiouli    1000    1500    2300      
Laaouinate    1000    1800    2500      
Total    4000    7000    11000     
Source : Elaboration Edesa

Au total, on devra avoir là, d’ici un quart de siècle, quelque 100 000 habitants urbains, en plus de 10 000 à 12 000 ruraux, si toutefois les mesures nécessaires de revitalisation économique de la zone sont  prises au plus tôt et avec le maximum de volontarisme. 

Perspectives démographiques totales

 
Entités    2000    2010    2025      
Centres actuels    74000    81000    90000      
Centres émergents    4000    7000    11000      
Population rurale    12000    11000    10000      
Total    90000    99000    111000     
Source : Elaboration Edesa

2. Stratégie de relance pour le développement local

La stratégie proposée dans le cadre du SDAR pour une population de l’ordre de 110.000 personnes en 2025, doit être élaborée de manière à résoudre les problèmes actuels et à ouvrir des horizons tout nouveaux. Il faut que la mise en œuvre d’une telle stratégie se fasse de manière concomitante sur quatre plans principaux : conversion de l’économie, création de l’emploi, restructuration du tissu des villes et assainissement de l’environnement urbain.

2.1. Sur le plan économique

L’exploitation des ressources minières a longtemps occulté la mise en valeur des autres potentialités locales, à savoir : les nappes alfatières, le site montagneux, les possibilités agricoles et la vocation pastorale.

L’alfa

Cette ressource constitue le support de plusieurs activités, dont la plus importante est l’élevage, pour lequel les nappes alfatières et d’armoise représentent des parcours étendus et bien prisés. Toutefois, la multiplication excessive du troupeau est en train de porter gravement préjudice à la couverture végétale naturelle, par surpâturage, d’où la nécessité d’organiser l’utilisation de ces parcours de manière rationnelle, avec la pratique de mise en défens, d’une part, et l’amélioration du couvert végétal, d’autre part.

L’agriculture

Cette activité bénéficie de ressources hydriques non négligeables sur le versant nord et nord-est du massif, notamment dans le bassin de Ganfouda qui dispose d’une nappe phréatique pouvant être utilisée pour l’irrigation à des fins de production maraîchère et fruitière, tout en favorisant le développement du centre de Ganfouda.

L’artisanat

L’activité artisanale est pratiquement absente de la zone, fortement et trop longtemps polarisée par l’extraction minière. Toutefois, l’introduction d’un artisanat à base d’alfa (vannerie…) de bois et du travail de l’argile, peut procurer un nombre d’emplois assez appréciable, tout en valorisant les matières premières locales et en réduisant la pression du troupeau sur les parcours, par les revenus que cet artisanat peut procurer aux familles.

L’industrie

La stratégie de développement du secteur industriel s’articule autour de deux grands volets : la sauvegarde de l’acquis actuel et le plan de reconversion de l’économie minière.

*  La sauvegarde de l’acquis actuel

La fin de la production minière porte à l’activité industrielle de la zone un coup très dur, même si cette activité n’a jamais atteint le niveau souhaité et la diversification requise. La fermeture des mines de charbon de Jrada condamne la centrale thermique locale à cesser sa production, faute de matière première, à moins d’opérer  une reconversion pour passer de l’anthracite à l’utilisation d’un combustible importé, en l’occurrence le gaz naturel, d’autant plus que le gazoduc, acheminant le produit algérien vers l’Espagne, passe très légèrement au sud, au niveau de Aïn Bni Mathar-Mrija. Cette option de reconversion ne semble guère être enthousiasmante auprès des responsables concernés.

De même, l’arrêt de la production du minerais de zinc et surtout de plomb à Boubkere et Touissite met la Fonderie d’Ouad Al Heimer en situation difficile, dans la mesure où cette entreprise, totalement privatisée en 1997, devra désormais importer la matière première (plomb) et surtout revoir la nature de sa production actuelle (antimoniate de soude, argent fin, matte cuivreuse et plomb doux) qui est conditionné par la composition du minerai local qui contient notamment de l’argent. La société qui a absorbé, en 1997, la mine d’argent du Jbel Aouam (près de Mrirt), projette de continuer son activité, en réalisant même un taux d’accroissement de 1 à 2% au cours de la décennie actuelle.

Sachant que désormais la société en question se déploie en dehors de la zone, et à l’extérieur de l’Oriental notamment, on pourrait craindre sérieusement pour le devenir de la production locale dont la localisation tout à fait excentrique, sur la frontière avec l’Algérie, ne se justifiait que par la présence de la matière première sur place. L’importation de cette matière première pondéreuse, qu’il faudra désormais amener de régions lointaines, devra grever davantage le coût du produit réalisé, d’autant plus que celui-ci est destiné exclusivement à l’exportation.

On pourrait ainsi redouter, à terme, le déclin de cette activité métallurgique pour des raisons de moindre compétitivité par rapport à d’autres localisations infiniment plus intéressantes que celle de Ouad Al Heimer où le seul atout ne réside plus que dans la possibilité de continuer à exploiter une usine déjà existante. Cela se traduirait négativement sur les opportunités d’emploi dans un milieu profondément frappé par un chômage aigu, d’un côté, et sur les revenus fiscaux de la commune qui abrite l’établissement industriel, ce qui viendrait  aggraver la crise multiforme engendrée par l’arrêt de l’exploitation minière.

* Le plan de reconversion de l’économie minière, fondé sur trois axes : l’externalisation des activités liées à la mine ; l’installation d’une grande unité de production de pâte à papier et l’exploration de nouveaux créneaux industriels.

– L’externalisation des activités liées à la mine

Le plan de reconversion préconisé par l’Etat ne peut constituer qu’une amorce de la stratégie de sauvetage, étant donné la modestie et la nature des mesures préconisées, qui se sont contentées essentiellement d’accorder des indemnités au personnel des Charbonnages du Maroc (CDM), de procéder à une externalisation de certaines activités longtemps liées à la mine et de promettre l’élaboration d’un plan de reconversion de la zone en question, plan dont les contours et le financement restent des plus aléatoires.

– Le projet de création d’une usine de pâte à papier

Le projet de construction d’une unité de production de pâte à papier à partir de l’alfa doit prêter une attention toute particulière à la dimension environnementale, afin de ne pas aboutir à une surexploitation d’une matière première déjà fortement affectée par l’aridification du climat et profondément agressée par la surcharge pastorale.

En tout état de cause, un projet de cette nature et de cette envergure, devra se fonder, au départ, sur une étude d’impact extrêmement sérieuse, afin d’évaluer toutes ses retombées sociales et environnementales, mais aussi être soumis, au cas où son exécution serait décidée, à un processus de suivi d’impact, car souvent les évaluations de départ se révèlent bien en-deçà de la réalité et réservent de mauvaises surprises après le démarrage et l’atteinte de la vitesse de croisière au niveau de la production.

Ces précautions sont ici beaucoup plus indispensables qu’ailleurs, car il s’agit d’un mode de production et d’exploitation extractif, dans un écosystème tout à fait fragile et qui risque de l’être davantage si l’aridification du climat persiste et si le surpacage continue ou s’accentue. Tout invite donc à ne point se précipiter pour enclencher une intervention qui pourrait conduire à une situation irréversible, ce qui aggraverait la crise actuelle et donnerait des résultats inverses à ceux escomptés par le projet.

– L’installation d’industries nouvelles et diversifiées

La modernisation de l’économie de cet espace de projets passe également par l’exploration de nouveaux créneaux basés sur la transformation des produits de l’agriculture et de l’élevage, mais aussi sur la petite métallurgique et le textile.

Le tourisme

Le site de montagne, parfois bien boisé, pourra constituer une aire d’attraction à des fins de détente et de récréation pour la clientèle locale, mais aussi celle d’Oujda, sans oublier celles d’Al Aïoune, de Taourirt et de Aïn Bni Mathar.

Cependant, cela nécessite l’aménagement d’équipements appropriés, ainsi que la reconversion des importantes structures d’accueil  héritées de l’activité minière, tant à Jrada,  qu’à Touissite et Boubkere. En effet, ces centres offrent des équipements de valeur, autrefois utilisés par les mines, qui sont susceptibles d’être refonctionnalisés au profit d’une clientèle touristique régionale, voire même nationale, (piscines, terrains de sports, chalets, structures de restauration…).

Il y a là un patrimoine récréatif précieux à ne pas dilapider, et qu’il faudra valoriser de manière intelligente en promouvant ici une zone touristique tout à fait viable, dotée d’un complexe de piscines et de bonnes structures d’accueil et d’hébergement, pour des séjours agréables dans un climat très sain et un environnement dépaysant.

Ce créneau touristique pourra être sous-tendu par le développement de l’artisanat (objets d’art) et celui de l’agriculture irriguée, de l’apiculture et des produits de l’élevage notamment. Les installations minières souterraines désaffectées et réaménagées permettent aussi d’offrir des possibilités de  découverte et de curiosité pour les touristes à travers leur mise en valeur comme mémoire de la zone (Musée de la Mine). Au delà de la clientèle touristique, cela pourra offrir aux élèves et aux étudiants des curiosités et des aménagements d’ordre pédagogique et scientifique.

L’altitude, qui rafraîchit l’atmosphère peut constituer ici un atout non négligeable dans un environnement aux étés torrides. Les hauteurs de cet espace de projets reçoivent, certains hivers, des précipitations neigeuses qui ne manqueraient pas, à l’occasion, d’attirer les visiteurs. Une autre clientèle peut être représentée par les amateurs de chasse et de promenade.

Il va sans dire que le développement du tourisme requiert la réalisation d’infrastructures et d’équipements adéquats, ainsi que la mise en place d’une structure qui serait chargée de la prospection, de la promotion et de la gestion de ce secteur. Il faudra également penser à la promotion de ce secteur en fonction des possibilités offertes par les sites avoisinants notamment les massifs des Bni Bou Zaggou et de Dabdou, ainsi que celles offertes par Oujda, et en relation également avec le développement touristique attendu du littoral de Saïdia et des Bni Znassene. Il est nécessaire aussi de procéder à un véritable embellissement des centres urbains par éradication des séquelles de l’extraction minière, notamment les amoncellements de stériles.

2.2. Sur le plan socio-administratif

La reconversion économique doit être doublée d’une reconversion au plan social, sachant bien que les équipements sociaux dont disposent les centres ont été conçus et réalisés pour une population de travailleurs de la mine, en bonne partie non permanents, et dont les dépenses se faisaient partiellement en dehors de la zone (immigration temporaire des ouvriers oblige). En conséquence, la restructuration nécessite l’implantation d’équipements au service d’une population désormais stable, ayant une structure démographique normale, des activités nouvelles et des besoins tout autres.

La promotion de Jrada en chef-lieu de province a effectivement permis de combler un certain nombre de lacunes, notamment au niveau de l’administration et de l’enseignement. Mais la ville souffre encore d’un manque patent dans la plupart des autres secteurs.

Afin d’offrir aux populations urbaines les services sociaux et éducatifs valables, capables de les maintenir sur place, d’un côté, et de mettre à niveau Jrada et les autres centres miniers et créer un milieu urbain attractif pour l’investissement, de l’autre, des efforts importants sont nécessaires dans les domaines de la santé, de la formation professionnelle, de l’enseignement et de la culture. La fixation des élites constitue un facteur déterminant pour attirer des services du tertiaire supérieur (banques, assurances, conseil et études, ingénierie…) même s’il faut reconnaître que le marché local demeurera relativement limité.

2.3. L’aménagement urbain

Il s’agit en fait de procéder à une profonde action de réaménagement des tissus urbains produits par l’extraction minière et qui ne sont plus fonctionnels actuellement. Le gros des efforts devra se diriger vers la résorption du sous-habitat et la restructuration des nombreux quartiers non réglementaires qui se sont développés de manière anarchique au gré des sites, sans document d’urbanisme et sans maîtrise aucune.

Un Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme s’impose ici plus qu’ailleurs et présente un caractère d’urgence pour la réaffectation de l’espace urbain sur des bases nouvelles, l’organisation d’une voirie fonctionnelle et  la mise en place de programmes de lotissements et de construction de logements susceptibles d’insuffler une nouvelle dynamique urbaine à des villes sinistrées par le déclin de leur base économique «traditionnelle». Ce SDAU, tout à fait spécifique, aura pour objectif de refondre et de restructurer l’environnement et le tissu urbains pour le réhabiliter à remplir des fonctions nouvelles. Il est appelé à traiter l’ensemble des centres urbains de la zone, dans une vision de complémentarité et d’égalité des chances, tout en accordant l’attention nécessaire à l’économie agro-pastorale locale.

2.4. L’environnement

L’environnement représente un problème crucial pour cet espace de projets et tout particulièrement pour Jrada, dans la mesure où la ville, produite par l’économie charbonnière, souffre de multiples facteurs  de pollution et de dégradation. La situation est aussi fort préoccupante pour les centres de Touissite et de Boubkere, voire même pour Ouad al Heimer.

L’extraction minière, effectuée sur plusieurs décennies, a laissé ses amoncellements de matériaux stériles qui défigurent le tissu urbain. Ces terrils, non toxiques et inertes, qui présentent un problème de stabilité liée à l’action de ruissellement et d’éboulement, constituent un héritage fort encombrant. Trois possibilités d’actions, non exclusives, s’offrent à la ville :

–  Le traitement paysager des terrils, en procédant à leur couverture de terre en vue de leur plantation par des arbres d’agrément adaptés. Cela aura le mérite non seulement d’éliminer la nuisance actuelle, mais aussi de créer des espaces verts dont Jrada a le plus grand besoin, afin d’égayer un environnement, la plupart du temps, austère.

– Etudier la possibilité de l’évacuation des stériles pour servir de combustible dans la cimenterie Holcim, ou autres utilisations potentielles, dans la mesure où ils contiennent encore un pourcentage non négligeable de charbon.

– Etudier également la possibilité de les utiliser comme matériaux de remblai dans la construction des routes.

Les deux dernières éventualités posent le problème du transport d’un matériau très pondéreux et supposent la remise en fonction de la voie ferrée qui a été détériorée sur plusieurs tronçons.

Des mesures appropriées doivent être également envisagées pour le traitement des rejets et stériles produits par l’extraction du plomb et du zinc à Boubkere et à Touissite.

Pour l’espace rural, qui recèle parfois une grande diversité bio-écologique, des programmes de reboisement sont nécessaires,  en particulier dans les zones où les précipitations en permettent le succès.

Au total, concernant la stratégie de développement préconisée, il faut souligner qu’il est difficile de concevoir la reconversion et le sauvetage des centres miniers de façon indépendante par rapport à Oujda, étant donné leur proximité de la capitale régionale et leur dépendance, au moins pour le moyen terme, des services offerts par celle-ci.

Une complémentarité de type nouveau doit ainsi s’instaurer entre Oujda et son arrière-pays méridional, constitué justement par ce même espace de projets, puisque c’est Oujda qui pourra fournir le gros de la clientèle du tourisme et de la villégiature ainsi que  les services de commandement nécessaires à l’animation de la vie culturelle.

A ce titre, on pourrait bien envisager la réutilisation de la voie ferrée à des fins de transport de banlieue entre la capitale régionale et les ex-centres miniers. Dans le même ordre d’idées, les équipements de qualité hérités de l’activité minière (hébergement, restauration, locaux fonctionnels…) peuvent offrir un cadre à mettre au service de l’Université (centres de recherches, de séminaires, de conférences…) et/ou de la promotion du tourisme.

Ces éléments de stratégie ne devraient pas occulter la réalisation de projets moins ambitieux qui requièrent moins de temps et de moyens, mais qui s’avèrent nécessaires, à court terme, pour répondre à des besoins pressants et souvent vitaux afin de sortir la zone de sa profonde léthargie et de la crise qui l’a atteinte par suite du déclin de l’économie minière.

3. Les projets de développement

On se contentera de lister ces projets par grands secteurs d’intervention.

3.1. L’eau potable

Alimentation en eau potable de Jrada, Tiouli et Ras Asfour, notamment par l’équipement et l’approfondissement des puits et l’aménagement des sources;
Réaménagement des réservoirs d’eau à Boubkere ;
Réalisation d’un forage à Touissite ;
Mobilisation des eaux de surface (oued Charef, oued Isly) ;
Alimentation en eau potable des douars relevant des communes de Boubkere et Touissite. Cette action, qui consiste à poser des canaux de distribution et la réalisation de bornes-fontaines, a déjà été entamée et devra être généralisée à l’ensemble des agglomérations rurales de la zone.

3.2. La réhabilitation de l’environnement

Programme de reboisement à Laaouinate et Ganfouda ;
Aménagement de la forêt autour de Laaouinate ;
Reboisement des hauteurs proches de Tiouli,
Reboisement du massif de Jrada.

3.3. L’urbanisme et l’habitat

Elaboration du SDAU de Jrada pour restructurer un espace urbain éclaté et déficient, produit par l’extraction minière ;
Etablissement de plans d’aménagement spécifiques pour la reconversion et la refonte du tissu des centres de Touissite, Boubkere et Ouad Al Heimer;
Elaboration de plans d’aménagement du centre de Laaouinate qui prend de l’extension, ainsi que pour ceux de Tiouli, Ras Asfour et Ganfouda ;
Commercialisation des lotissements à Jrada ;
Elaboration du plan de lutte contre l’habitat insalubre particulièrement proliférant.

3.4. Les infrastructures routières

Construction de la RP 6021 (Tiouli-Jrada), sur 21km, et la RR reliant la commune de Tiouli et la ville de Jrada, sur 22km ;
Construction de la route reliant Jrada et Zkara, passant par Naïma ;
Aménagement de la RP 6013 reliant Laaouinate à Mastfarki, sur 13km, et Mastfarki à Matroh ;
Aménagement de la RP 6023 reliant Laaouinate à Ouad Al Heimer, sur 15km ;
Elargissement et renforcement du pont de Touissite ;
Amélioration de la route 607 reliant Jrada et Barkane ;
Création d’une liaison directe entre Jrada et Taourirt ;
Elargissement de la liaison Jrada-Gafaït sur une longueur de 11 km ;
Aménagement de la liaison Ganfouda-Ouad Al Heimer sur une longueur de 14 km.

3.5. L’enseignement et la formation

La reconversion socio-économique des centres miniers, et tout particulièrement de Jrada, impose la dotation de cette ville d’institutions de formation adéquates, non seulement au niveau de l’enseignement secondaire (lycées spécialisés avec internat), mais aussi pour certaines formations supérieures, pouvant profiter de l’existence d’infrastructures de qualité représentées par le cadre agréable hérité du temps de la mine. Un partenariat entre la municipalité de Jrada et l’Université d’Oujda pourrait aboutir à l’élaboration d’une stratégie dans ce sens.

3.6. La santé

Construction d’un Hôpital Provincial à Jrada et d’une clinique de santé publique avec une capacité litière suffisante pour une population qui devra dépasser les 100.000 habitants dans moins de deux décennies.

Des structures plus réduites devront aussi profiter aux centres actuels et émergents, avec l’ouverture de centres de santé et de maisons d’accouchement.

3.7. Le  sport, la culture et les loisirs

Le plan d’aménagement de Jrada est appelé à intégrer la construction de structures sportives appropriées, de nature à offrir aux jeunes des espaces nécessaires à leur épanouissement. Une salle omnisports est ardemment demandée par les jeunes et les responsables de la ville.

A ce propos, la ville de Jrada et les centres miniers voisins doivent logiquement se constituer légataires universels des équipements sportifs et culturels appartenant aux Charbonnages du Maroc et aux sociétés d’extraction des minerais de Touissite et Boubkere, non seulement dans la zone même, mais également à l’extérieur, notamment à Saïdia. Cette hoirie pourra certainement doter les collectivités urbaines locales héritières d’infrastructures de qualité et leur permettra de consolider leur patrimoine et leur assiette financière.

3.8. Le développement agricole

Des projets agricoles nombreux ont été identifiés, dont on peut citer les plus saillants :

Création d’unités privées pour la fourniture de travaux et services aux agriculteurs :  travaux de sol, récoltes, reboisement, traitement des arbres…;

Actions d’épierrage des sols pour la préparation de ceux-ci à l’activité agricole ;

Plantations d’arbres fruitiers ;

Equipement de petits périmètres irrigués au moyen de :

·    revêtement et réhabilitation du réseau d’irrigation,
·    réalisation de prises de dérivation des eaux,
·    forage de reconnaissance  et d’exploitation des potentialités hydriques locales,
·    équipement hydro-mécanique et génie civil de deux stations de pompage,
·    encouragement des techniques et systèmes d’irrigation localisée.

Intensification de la production végétale par : extension de plantations fruitières et des cultures fourragères, d’un côté, l’amélioration du réseau routier rural, de l’autre.

3.9. La modernisation de l’élevage

Le développement de l’élevage devra se faire à travers les actions suivantes :

·    Amélioration génétique bovine, ovine et caprine ;
·    Construction d’un centre de collecte de lait ;
·    Création de coopératives et de sociétés d’exploitation agricole ;
·    Développement de l’apiculture ;
·    Développement des terrains de parcours par mise en défens, plantations   d’arbustes fourragers, aménagement de points d’eau pour le bétail.

3.10. L’artisanat et l’industrie

Plan de reconversion

Concrètement, le plan de conversion de l’économie de Jrada prévoit :

la mise à niveau des infrastructures de transport, par l’amélioration du réseau routier ;

la mobilisation des ressources en eau, avec notamment la réalisation de 8 barrages collinaires et 26 points d’eau équipés dans les sites déjà identifiés ;

la réhabilitation des petites et moyennes hydrauliques, avec la réalisation d’un programme d’arboriculture et le développement de la forêt et de l’élevage ;

la valorisation des produits locaux d’artisanat (alfa, laine, peau, lait) ;

la création d’une zone industrielle à Jrada ;

la création d’ateliers de confection à Jrada ;

la mise en œuvre de programmes d’assainissement et de construction de logements sociaux.

Ces projets sont liés au désengagement de certaines activités techniques des CDM dans le but d’encourager l’émergence d’un noyau de petites industries dans la Région, avec la contribution des Charbonnages en termes de valorisation des compétences et du savoir-faire qu’ils possèdent.

Par ailleurs, de nombreux projets sont envisagés pour la conversion de l’économie de la province de Jrada :

Projets  industriels

parachèvement des travaux de la zone industrielle de Jrada comportant 68 lots et d’un complexe commercial. Le développement de cette zone est tributaire des efforts qui seront déployés pour améliorer l’environnement urbain. Le handicap se traduirait par une non disponibilité de terrains et le risque, par voie de conséquence, de détourner les investisseurs potentiels vers d’autres zones plus avantageuses ;

installation d’une briqueterie et d’autres unités de fabrication de matériaux de construction ;

des unités agro-industrielles basées sur les produits de l’élevage essentiellement : aliments de bétail, traitement des produits laitiers ;

des unités industrielles basées sur l’alfa dont le grand projet de fabrication de pâte à papier destiné également à fournir de l’emploi en effectif important au niveau de la collecte de la matière première, son transport, sa transformation et sa commercialisation ;

des unités de traitement des peaux, de la laine et du lait, dans une importante zone d’élevage ;

des unités de filature de laine et de tapisserie.

Projets artisanaux

Les actions suivantes sont préconisées :

création d’une zone pour les activités artisanales qui facilitera l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs et la dynamisation de l’action régionale de promotion de l’emploi des jeunes ;

construction d’un complexe artisanal (locaux de commerce, atelier et centre de formation professionnelle, en plus d’une salle de réalisation des expositions). Le financement de ce projet est essentiellement assuré par l’Agence de Promotion et de Développement économique et social des provinces et préfectures du Nord, en collaboration avec les départements ministériels chargés de l’artisanat et des petites entreprises ;

construction de deux coopératives de confection de paniers en alfa financées par la Fondation Mohamed V, dans le cadre du projet global de la création de 5 coopératives (5.000 emplois prévus) et la promotion des produits artisanaux de l’Oriental ;

création de coopératives de tissage de tapis.

3.11. Projets touristiques

Aménagement du site de Tissouriyne à Laaouinate. Ce projet permettra de promouvoir l’activité touristique dans le cadre de la conversion de l’activité économique ;

construction d’un complexe touristique à Laaouinate sur une superficie de 16 hectares ;

création d’un Musée de la mine mettant en valeur les produits et potentiels de l’espace de projets dans ce secteur qui a constitué la colonne vertébrale de l’économie de la zone et un créneau important de celle de l’Oriental, conditionnant également la société et la culture locales.

Conclusion

Le massif de Jrada est confronté au problème aigu de conversion de l’activité économique et sociale qui a été jusque-là centrée sur l’extraction minière quasi-exclusive. La fermeture de la mine concerne directement ou indirectement plus de 70.000 âmes. La mono-activité charbonnière a produit un tissu urbain déstructuré et anarchique, avec une population hétérogène en grande partie immigrée et peu enracinée dans ce  milieu.

La crise profonde du secteur minier implique l’engagement d’efforts pour générer la mise en place d’une assise économique en mesure de se substituer à l’activité minière. Le redéploiement économique est basé sur l’exploration de nouveaux secteurs qui permettent de diversifier les activités économiques. Pour ce faire, Jrada dispose d’atouts qu’il s’agit de valoriser : ressources alfatières, disponibilités en eau, possibilités touristiques, proximité de la capitale régionale…

Le redéploiement de l’économie de Jrada requiert donc le lancement de grands travaux et la dotation en équipements de base nécessaires pour assurer la reconversion de l’économie locale, situation inédite au Maroc pour une agglomération urbaine aussi importante que Jrada et des petits centres de Touissite, Boubkere et Ouad Al Heimer..

Plus de 5 milliards de DH ont été débloqués pour faire face aux conséquences sociales et économiques de la fermeture de la mine de Jrada.

La problématique de Jrada ne se limite donc pas au seul souci de reconversion économique, mais elle consiste également à restructurer un tissu urbain hétéroclite et peu fonctionnel, pour aboutir à un développement global et intégré de cet espace de projets aujourd’hui en difficulté, mais qui dispose de différents atouts pour que sa modernisation puisse être réussie.

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1 Comment

  1. REHIOUI Hassan
    02/03/2009 at 13:19

    La région de Jerada recele encore beaucoup d’opportunités à developper que j’ai décrite dans une note technique intitulée « Brainstorming pour Jerada » en 1992- Je suis certain qu’elles sont tjrs d’actualité plus que jamais – L’Etat doit s’y investir pour certaines et le Privé pour d’autres.. Exple il y a un beau gisement de calcaires magnésiens dans le Jbel Mejroub – La mine elle même ne devrait pas etre fermée et exploitée en tant que potentiel de stockage sous terrain vu les milliers de Km de galeries ..ou pour faire visiter le fonds à des touristes…( à associer à un musée memoire de la region)… l’exploitation de schistes charbonneux n’est pas impossible …des carrières de gravettes egalement dans le Mejroub peuvent etre exploitées en grandes quantités exportables hors region par la voie ferrée existante ..à maintenir et entretenir même pour des voyages touristiques pittoresques d’Oujda à Jerada sur un train tracté par une loco du debut du 20ème siècle qui devrait etre encore dans le stock de feraille de la mine…si elle n’a pas été dejà vendue..et j’en passe

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