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Un peuple, une jeunesse… et de la tristesse

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Par : Abdelhak Riki

J’écris sous le coup des trois buts encaissés contre la Tanzanie.

Donc, j’écris sous le coup de la rage et de la colère. Mais c’est une colère qui traverse tout le Maroc, toutes les couches sociales, en particulier les pauvres et surtout la jeunesse…

J’ai vu une partie du match dans un café au quartier Hassan à Rabat.

J’y étais avec ma fille qui voulait prendre son petit-déjeuner dominical en dehors de la maison. La 1ère partie du match Maroc – Tanzanie s’était terminée sur le score vierge de zéro partout, et les joueurs marocains avaient raté énormément d’occasion de marquer.

Je dis toujours que, globalement, on rate beaucoup d’occasions et à tous les niveaux. C’est un constat général, on est un peuple qui manque de confiance en ses capacités et avec peu d’ambition. Certains acceptent, d’autres rejettent mon point de vue. Bref, là, c’est une autre histoire.

Commence la deuxième mi-temps, et un joueur marocain rate un but tout fait. De l’intérieur du café on entend un cri de désespoir et de plainte d’un homme qui était attablé avec sa femme, un beau bébé et un autre membre de sa famille. Il était hors de lui.

J’étais hors de moi. En réalité, tous ceux qui étaient dans le café étaient effarés. Tous ceux qui suivaient le match dans tous les cafés de toutes les villes du Maroc, dans les maisons et ailleurs… étaient dégoutés pour tant d’échec, d’improvisation et de maladresses.

Encaisser trois buts contre la Tanzanie, ce fut le chaos…Le score aurait pu être plus lourd…

J’imagine, notre jeunesse, dans tous ces états.

J’ai eu un arrière-gout de la tristesse des Marocains et des Marocaines en consultant les tweets envoyés… un certain nom revenait en permanence, c’est celui de « Ali El Fassi »… on lui demandait de partir… moi-même j’ai écrit un tweet dans ce sens… Certains diront, encore de la politique… oui, je n’en peux rien. La politique y est pour beaucoup dans ce qui nous arrive et ce qui arrive à notre Équipe nationale.

Mais le tweet qui m’a le plus attristé est celui de ce jeune qui a envoyé ce message «  à ce rythme, je risque de ne jamais voir l’Équipe nationale participer à une phase finale de la coupe du monde de mon vivant… »…

Je n’ai pu retenir mes larmes… car de mon vivant, j’ai pu voir et vibrer avec l’Équipe nationale en finale de coupe du Monde au Mexique en 1970 (j’avais 6 ans), puis au Mexique en 1986, aux USA en 1994 et enfin en France en 1998. J’ai eu la chance de voir de grands joueurs évoluer sur le terrain et affronter les grandes stars du ballon rond.

J’ai eu l’occasion de sortir dans la rue à plusieurs reprises pour me coller à mes concitoyens qui emplissaient les rues pour exprimer leurs joies et leurs soifs de victoire après des qualifications et des réussites.

Aujourd’hui, mon fils ainé qui est né en 1994, a pu suivre plusieurs phases finales de coupe du monde sans voir son Équipe nationale parmi les qualifiées… à l’image de cet autre jeune qui a envoyé ce tweet qui exprime tout… comme tous ces millions de jeunes Marocains qui se sont lassés d’attendre voir un jour leur Équipe nationale de football les faire vibrer, danser, chanter et aimer la vie – comme le chante si bien Khalid – jusqu’à l’aube.

Malheureusement, ce n’est pas uniquement le foot qui rend triste le peuple et la jeunesse, c’est l’ensemble des sports. Rappelez-vous les médiocres résultats des derniers jeux olympiques à Londres… le pire c’est qu’aux mauvais résultats, le dopage est venu entacher le sport national et l’image du Maroc dans le concert des nations.

Alors, trop c’est trop. Il faut que ça s’arrête. Un peuple et une jeunesse gagnés par la tristesse sont plus dangereux que mil conflits sociaux, plus dangereux que la pauvreté et la corruption.

La tristesse est un composant chimique et nucléaire dangereux. Une véritable poudrière.

Il est temps de prendre garde contre ce vent de tristesse qui est dans l’air et qui s’introduit dans toutes les maisons et dans tous les cœurs. Il est urgent de prendre les mesures qui puissent stopper ce grave fléau et torrent de tristesse.

Comment ? Eh bien, nous allons retourner aux questions politiques. On ne peut en échapper même si on en voulait. La politique est partout, dans l’air, dans l’eau, dans les sentiments, dans nos assiettes, dans nos mœurs, dans nos cœurs, notre quotidien de tous les jours… la politique est partout… elle peut nous rendre heureux comme elle peut nous empoisonner la vie…

Alors la politique exigera des explications et des têtes… Une première tête va sortir du lot, c’est celle de « Ali El Fassi ». Il allait partir après la mauvaise prestation lors de la CAN en Afrique du Sud.  Rien. Doit-il partir aujourd’hui ? L’écrasante majorité dira oui… Est-ce suffisant ? Non…

D’autres diront aussi à juste titre que le Ministre des Sports doit partir… idem pour l’entraineur national, qui a accumulé plusieurs échecs sans qu’il en soit à 100% responsable… Et d’autres qui doivent partir… La liste est longue…

Ce qu’il faut, c’est une prise de conscience nationale sur les déficiences en matière de gestion du sport national. C’est tout l’édifice qui doit être changé et réinventé.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Faut-il pour cela changer des hommes et des politiques. Oui, s’il le faut. Certains diront que c’est facile sur le papier, mais délicat sur le terrain, car il y a trop d’intérêts et trop de situations de rente. J’en suis conscient.

Mais ce dont je suis sure et certain, c’est que le changement est inévitable. La classe dominante, celle qui dispose des véritables rênes du pouvoir doit sacrifier une partie de ses intérêts pour ne pas être  obligé de lâcher tout. Certains diront en mots limpides que la classe politique doit opter pour les véritables réformes et l’évolution pour éviter la révolution.

J’entends certains conseillers proches des centre de pouvoir argumenter sur le fait que le peuple et la jeunesse sont amnésiques, qu’un match du Real de Madrid ou du FC Barcelone leurs feront vite oublier l’Équipe nationale et ses résultats médiocres. Que la tristesse du peuple et de la jeunesse sont éphémères…etc.

Les conseillers sont les mêmes dans tous le monde et dans toutes les époques… à part de rares perles. Les conseillers sont souvent des conservateurs. Les conseillers pensent plus à garder leurs postes qu’à éclairer la lanterne des décideurs. Lorsqu’ils ont peur d’exprimer leurs points de vue, là c’est le comble.

Je demande aux décideurs de ne pas écouter leurs conseillers pour cette fois. Écouter plutôt le peuple et la jeunesse. Écouter leur cœur.

Il y a trop de tristesse dans les cœurs des Marocains et Marocaines. Il y a une accumulation dangereuse de tristesse, d’écœurement,  de rejet du fatalisme.

La tension – dans le sens social et dans le sens médical – est à son comble.

Le peuple et la jeunesse ont besoin de s’identifier à des idoles, des stars, des icônes. La politique politicienne ne permet pas l’émergence de figures emblématiques, ni le sport, ni la chanson, ni l’écriture, ni le cinéma, ni le théâtre, ni ni…

J’entends le peuple et la jeunesse demander à ceux qui ont le pouvoir, de leur rendre la vie facile, de les faire rire, de les faire vibrer avec le sport national, de les projeter dans la vie moderne, dans les technologies, l’art et la culture…

Peut-être que je prends mes désirs pour la réalité. Mais je suis sûre d’exprimer une tendance générale, une envie pressante, un désir de mettre un terme à la tristesse et bâtir un château de rêve et non pas de sable…

Je prie Dieu, le tout-puissant, de combler mon désir et celui de ce jeune marocain – plutôt de tous les jeunes et de tout un peuple – de voir l’Équipe nationale dans une prochaine phase finale de la coupe du Monde… mais aussi, un pays en chantier, une croissance forte et continue du produit national, un chômage faible… un enseignement de quantité et de qualité… une justice « guérie » et efficace… et une répartition juste et équitable des richesses nationales…

Je ne veux plus être triste ni voir les jeunes sans rêve, sans illusions ni avenir.

« Prenez garde à la tristesse… », Avait dit un grand romancier français du 19ème siècle.

Le site internet « even.fr citations » nous rappelle que les 23 termes connexes à la tristesse (sur environ 107) sont : dépression, abattement, accablement, découragement, mélancolie, neurasthénie, spleen, mal, ennui, souffrance, angoisse, bourdon, cafard, nostalgie, peine, condoléances, malheur, souci, affliction, douleur, amertume, dégoût, désespoir… Ça donne à réfléchir… et à agir…

Abdelhak Riki

Cadre de Banque

Rabat, dimanche, 24 mars 2013.

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3 Comments

  1. Triste-Oujda
    25/03/2013 at 03:48

    Oui, la politique y est pour bcp ; et ce dans un sens précis, pour moi : Depuis 2006 , la préoccupation majeure d’une certaine « jiha aoulia » n’est plus que l’équipe nationale réalise des résultats positifs, mais plutôt que ZAki Baddou ne soit en aucun cas le coach de cette équipe. C’est la Siba, pure et simple

  2. Heureux !
    25/03/2013 at 14:39

    Monsieur Abdelhak , personnellement je comprends votre émotion qui montre votre amour pour ce pays qui est le nôtre . je ne vous cache pas que ,moi aussi , je me suis emporté , mais je me suis vite calmé et voici la cause : imaginons que notre a gagné ,QUI EN SERA CONTENT : TOUS LES MAROCAINS c’est sûr !!!! Mais…………… QUI EN PROFITERA ? sûrement pas moi ni vous d’ailleurs !! vous allez me dire : pourquoi cette question ? Dans les pays qui se respectent on ne pose jamais cette question :il ya la transparence.Chez nous , tout est profit ,un petit exemple : qui accompagnera l’équipe au Brésil ??? et combien ce séjour va NOUS coûter ? Je n’ose pas répondre !!!

  3. mohammed
    27/03/2013 at 17:56

    tantot se sont le manque des infrastrutures ,tantot le manque d’un entraineur national mais les resultats sont toujours negatives dans tous les sports a l’echelle africaine ,certains sports sont devenus des mines d’or ,gros salaires ,tourisme a travers plusieurs continents avec hotels cinq etoiles ,frais de déplacements malgré le niveau de connaissance et le niveau culturel limité de la plupart des cadres qui presentent des diplomes acquis a l’etranger pour quelques semaines de stages et les resultats catastrophiques sont toujours là.

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