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La planète des singes entre la science et la religion

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Dans son roman ‘’la Planète des Singes’’ Pierre Boulle exploite de manière intelligente et subtile la science et la religion. Dès l’entrée dans l’œuvre, il projette ses lecteurs dans la théorie de la relativité d’Einstein qu’il met en application en faisant embarquer un éminent savant, fou, téméraire ou pionnier, à bord d’un vaisseau spatial spécialement conçu pour répondre aux principes énoncés par le célèbre savant, à savoir que tout voyageur qui réussit à se déplacer à la vitesse de la lumière est un voyageur pour qui le temps se fige. Parti de la Terre en l’an 2500 à destination de Bételgeuse, Ulysse Mérou ne sera de retour qu’en l’an 3200 : à son retour, le voyageur de l’espace trouvera la Terre vieillie de 700 ans, alors que pour  lui, seules 5 années se sont ajoutées à son âge : si l’on admet qu’en l’an 2500 Ulysse Mérou avait 30 ans, en l’an 3200, il n’aura que 35 ans ou 5 ans de plus. Le voyage  à la vitesse de la lumière fait nécessairement aboutir à cette équation insensée selon laquelle: 700=5 !

’’ Comme il l’avait prévu, le voyage dura environ deux ans  de notre temps, pendant lesquels trois siècles et demi  durent passer sur la Terre…: si nous revenions un jour, nous trouverions notre planète vieillie de sept cents à huit cents ans’’ chapitre II, première partie’’. Plus loin, au chapitre XI de la troisième partie, Ulysse Mérou laisse tomber cette amère confirmation :’’Je sais ; après sept cents ans, je ne retrouverai ni parents ni amis…’

L’exploitation des théories scientifiques ne s’arrête pas à Einstein et à sa théorie de la relativité mais la dépasse pour en arriver à la théorie de l’évolution de Charles Darwin qui a fait couler beaucoup d’encre et divisé les scientifiques et les profanes entre partisans et adversaires. Dès le chapitre VI de la première partie, le lecteur se retrouve en face d’un groupe d’hommes et de femmes dont l’imbécillité et la débilité semblent s’être emparées de leur esprit. ’’Il semblait que la vue d’hommes  vêtus leur fût insupportable. Quelques uns prirent la fuite…………………..Je saisis ma carabine. Paradoxalement, pour des êtres aussi obtus, ils parurent saisir la signification de ce geste, tournèrent le dos et disparurent derrière les arbres.’’ Ce n’est qu’à partir du chapitre VIII de la première partie que le lecteur s’aperçoit que les hommes de Soror sont retombés dans ce que Darwin appelle  le stade de l’homo erectus et que les singes se sont rehaussés au stade supérieur du simius sapiens.  Ce chapitre relate une battue où les rabatteurs et les chasseurs sont des singes et le gibier l’homme. Ensuite vient l’utilisation de l’homme comme cobaye dans les laboratoires de recherches entreprises par des chimpanzés, dirigées par des Orangs-Outans sous l’autorité des Gorilles. Le paradoxe prend alors toute son ampleur tragique: l’homme est abaissé au rang de l’animal et le singe élevé au rang de l’homme.

Pour ce qui est de l’exploitation de la religion, Pierre Boulle reprend au chapitre V de la troisième partie  ce que disaient les physiciens : ‘’le Bon Dieu ne joue pas aux dés’’ : Il fait dire à Ulysse Mérou qu’il n’aurait pas parcouru 300 années lumière pour aller aux confins de l’espace mourir comme meurent les communs des mortels. Dieu l’aurait investi d’une mission comme il a investi auparavant Jésus Christ de la mission de sauver les Juifs de la déchéance et de l’égarement dans lesquels ils étaient tombés. Ulysse Mérou serait donc le messie de l’espace envoyé sur Soror pour venir au secours d’une humanité déchue, réduite à l’état de bête après la paresse cérébrale qui s’était emparée de son esprit. ‘’Mon voyage vers le monde de Bételgeuse  a été décidé par une conscience supérieure. A moi de me montrer digne  de ce choix et d’être le nouveau Sauveur de cette humanité déchue’’ se dit Ulysse Mérou en acceptant sa nouvelle mission.

A la naissance  de son fils Sirius qu’il a eu avec Nova, fruit des expériences entreprises sur eux par les singes et non de l’amour,Ulysse Mérou s’assimile à Adam, le père de l’humanité, qui, avec sa femme Eve, ont à eux seuls peuplé la Terre. Il compte, à eux trois, d’abord, puis avec d’autres enfants qui viendront sûrement par la suite, faire souche et reproduire une humanité intelligente et douée d’âme. Humanité qui entrerait en conflit avec les singes et reprendrait le pouvoir qui lui a été usurpé par les primates devenus soudain les maîtres de Soror. ‘’ Ce sera un homme, un vrai, j’en suis certain. L’esprit pétille sur ses traits et dans son regard. J’ai rallumé le feu sacré. Grâce à moi, une humanité ressuscite et va s’épanouir sur cette planète. Quand il sera grand, il fera souche et …’’ se dit Ulysse dans élan de joie et d’orgueil au chapitre IX de la troisième partie. Mais il ignore que d’autres surprises, encore plus amères  que celles qu’il a connues jusqu’alors l’attendent à son retour sur la planète  terre qu’il a quittée il y a plus de 700 ans et sur toutes les autres planètes devenues le royaume des singes.

En conclusion, Pierre Boulle tire le bon parti des théories scientifiques les plus célèbres de son temps pour les mettre en pratique  à la manière d’un savant méticuleux  ou les retourner pour en faire des applications inattendues mais non moins vraisemblables : ainsi, il a contribué à les vulgariser pour les rendre plus accessibles aussi bien pour l’homme non averti que pour les jeunes novices. De même, et comme il a si bien fait un saut dans le futur, il  en  fait un autre, dans le passé, aussi spectaculaire mais aussi réussi que le premier, en renvoyant ses lecteurs à l’aube de l’humanité revivre l’histoire de leur premier ancêtre… qui n’est pas un singe !

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