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Compétence versus réussite

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Dans une stricte logique, la compétence doit conduire à la réussite dans ce qui est entrepris mais est-ce le cas sous tous les cieux ? Sous le nôtre, en ce moment, nous entendons pousser des cocoricos pour des marocains qui réussissent… à l’étranger. Cela me pose problème. Est-ce que les marocains de l’intérieur, dont aucun écho de réussite illustre ne nous parvient, sont moins intelligents et donc moins compétents ? C’est difficile à croire. Il faut certainement chercher la raison ailleurs.
Sans aller très loin, on peut parler de ces marocains de France dont la réussite fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Plus précisément, nos médias ne sont pas peu fiers des deux marocaines membres du dernier gouvernement français. L’une d’elle, Najat Vallaud Belkacem a réussi à obtenir le troisième portefeuille dans l’ordre protocolaire gouvernemental. Pour ne parler que de cette dame et si l’on croit les mêmes médias, elle serait née dans un village du Rif et ne l’a quitté que pour suivre en France, à l’âge de 7 ans, son père, un travailleur émigré. Toujours selon ces supports, avant cela, la fillette s’occupait à garder les chèvres de sa famille. Elle aurait pu rester à les garder jusqu’à la décision de son mariage précoce comme le veut la tradition locale. Elle aurait ensuite donné naissance à des petits bergers et bergères.
Quelle est la raison de sa réussite, ailleurs que sous le ciel rifain ? Est-ce à cause d’une quelconque alchimie atmosphérique qui aurait contribué, en France, à faire jaillir des méandres du cerveau de la petite fille, une improbable intelligence. Aucune logique ne peut admettre ceci. Il vaut mieux regarder du côté de l’égalité des chances qui est une réalité incontestable dans ce pays. La petite fille a ainsi pu fréquenter l’école publique pour y recevoir un enseignement qui a structuré intelligemment son raisonnement et mis en évidence ses capacités intellectuelles. Grâce à son mérite et un ascenseur social qui fonctionne, elle a pu intégrer une école prestigieuse. Après cela, le même ascenseur ne s’est pas bloqué entre deux étages mais l’a conduit au sommet de la hiérarchie de la société française. Et dire que la même personne, sans cette ascension, n’aurait même pas eu le droit de voter dans son pays  en tant qu’émigrée!
Imaginez une seconde avec moi le sort de cette dame si elle était restée dans son pays et au cas où elle aurait eu la chance de quitter les chèvres pour fréquenter l’école publique marocaine. Elle aurait par une volonté de fer continué ses études jusqu’au niveau supérieur. Son cerveau aurait subi des dégâts irréparables tant notre enseignement n’est pas fait pour favoriser l’intelligence mais s’applique à inculquer, par la force du rabâchage, une somme de connaissances qui souvent viennent d’un autre  temps.
Imaginez encore que malgré ceci, l’ambition à exister sur plan social l’aurait emporté chez la dame. Elle aurait, malgré ses compétences, intégré un emploi avec beaucoup de difficulté parce que l’égalité des chances est indigente chez nous. Puis elle essaierait de faire valoir ses capacités et c’est à ce moment précis que commenceraient ses ennuis. Son énergie se consumerait  à déjouer les intrigues qui s’organisent pour la dégouter de vouloir initier un quelconque travail structurant. On lui ferait rapidement comprendre que ce n’est pas ce qu’on attend d’elle. Cet état de chose serait aggravé par sa condition de femme. Elle aurait été obligée de mendier des bribes de responsabilité pour ensuite voir ses collègues hommes, de moindre compétence, venir la coiffer. Les quelques velléités actuelles de discrimination positive ont du mal à s’ancrer et  font pousser des cris d’orfraie au nom de la compétence qui, elle, ne rentre pas en compte dans la promotion des hommes.
Tout ceci pour dire que notre ascenseur social est définitivement en panne pour toute compétence, qu’elle soit masculine ou à fortiori féminine. Pourtant, les femmes et les hommes compétents sont pléthore dans ce pays mais ne peuvent exister qui s’ils s’intègrent un des réseaux qui verrouillent le pays. Ces réseaux gèrent la réussite sociale au compte goutte et on ne peut les  pénétrer qu’à travers le lien familial, politique ou économique. Pour ceux qui ne rentrent pas dans ces cadres mais gardent intact leur désir de réussite sociale, ils n’ont que deux choix possibles : aller s’épanouir sous des cieux plus cléments ou arriver à l’âge de la retraite perclus de rhumatismes et d’amertume de n’avoir pas pu donner le meilleur d’eux même au développement de leur pays.
Alors trêve de fanfaronnade quand la réussite de marocains nous vient de l’étranger et posons-nous les vraies questions !

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